Le gouvernement a annoncé un recul majeur sur l'âge pivot, recul salué par la CFDT. Nous sommes cependant loin d'avoir un projet global satisfaisant, et donc la fin des discussions n'est pas proche. Le Sgen-CFDT continue de proposer et négocier des améliorations.
Point sur les projets
Toutes les organisations syndicales ne sont cependant pas sur la même position que la CFDT. Et jusqu’à maintenant, elles ont largement pu développer leur argumentation. Pourquoi le rapport de force l’emporte sur la culture du compromis en France ?
Maintenant que l’avant-projet de loi est public, que le futur système est plus précisément défini, il est possible de ne plus simplement être dans le domaine de l’inquiétude et du procès d’intention, mais au contraire de s’appuyer sur l’analyse.
Tout le monde, sauf une partie du gouvernement, était contre l’âge pivot. Si ce système permet indéniablement de faire des économies, c’est d’une façon injuste, car il repousse de fait l’âge de la retraite de 2 ans.
Contrairement à ce qu’on entend, l’âge pivot a bien été retiré. Cela ne veut pas dire qu’il faut crier victoire, car le gouvernement continue à vouloir trouver un équilibre financier d’ici 2027. Des négociations vont commencer et devront se terminer en avril.
Système par point ou système par durée de cotisation ?
Fonctionnement
Le système actuel fondé sur une durée de cotisation comme le nouveau système par points sont des systèmes par répartition. Ce sont les cotisations des actifs qui financent les pensions des retraités. Ce ne sont donc ni l’un ni l’autre des systèmes par capitalisation, où chacun met de côté de l’argent pour sa future retraite.
La différence entre les deux systèmes se trouve dans le mode de calcul de la pension. Actuellement, cela dépend de la durée de cotisation (le nombre de trimestres) et d’un salaire de référence soit les derniers 6 mois dans la fonction publique, les 25 meilleures années dans le privé. Si on n’a pas le nombre de trimestres requis, il existe un système de décote qui peut baisser les pensions jusqu’à 25%. Une fois arrivé à la retraite, la pension est fixée et ne bouge plus sauf augmentation du coût de la vie. Si des paramètres changent comme la durée de cotisation par exemple, deux personnes ayant la même carrière peuvent arriver à la retraite avec deux pensions très différentes. Ces différences restent ensuite durant toute la retraite.
Le système par point est plus simple
Les cotisations tout au long de la vie amènent des points. Arrivé à la retraite, le nombre de points permet de calculer une pension. La durée de cotisation n’est plus un élément déterminant : évidemment, plus on cotise longtemps, plus on a de points, mais il n’y a plus de décote. La valeur du point peut varier dans le temps. Le projet de loi prévoit cependant qu’il ne pourra pas baisser et qu’il sera indexé sur les salaires des actifs. Ainsi, deux carrières identiques à 10 ans d’intervalle donneront les mêmes droits à pension.
Autre changement notable prévu par le projet gouvernemental : on passerait de plusieurs systèmes de retraite, chacun avec ses particularités, à un système dit « universel » où tout le monde aurait le même mode de calcul. Le but est d’introduire une équité de traitement. C’est l’histoire du système de retraites actuel qui a amené ces nombreuses différences. Certaines se justifient encore (on peut l’imaginer encore pour les militaires ou les policiers), d’autres sans doute moins. Ce système « universel » est cependant déjà moins universel que prévu, car plusieurs catégories ont obtenu un système qui reste à part.
Quels sont les débats autour du nouveau système par point ?
Les arguments fusent depuis quelques mois contre le système par point. Certains sont réels, d’autres reposent sur le procès d’intention. Souvent, les reproches faits au système par point sont tout aussi valables (voire plus réels) avec le système actuel par durée de cotisation. Enfin, certains sont liés à des choix sociétaux, qui seront de toute façon à faire démocratiquement, que ce soit avec le système actuel comme avec un système par points. S’y retrouver entre infos et intox.
La part de la valeur du PIB consacrée aux pensions, limitée à 14%, fera baisser automatiquement ces pensions si le nombre de retraités augmente. Il est d’abord à noter que rien dans le projet de loi n’indique une limite de ce type (voir ici le projet et ici l’exposé des motifs). Au contraire, l’article 9 indique que la part du PIB consacré aux pensions ne pourra pas baisser, mais rien n’oblige à ne pas l’augmenter.
Il faut cependant être clair. Les pensions sont financées par les actifs. On peut décider d’augmenter leur part dans le PIB, mais cela se fera aux dépens d’autres possibilités de choix comme l’emploi, l’école, la transition écologique … Il s’agit ici d’un choix de société, qui doit donc pouvoir être tranché démocratiquement par les générations futures. Et ce, quel que soit le système : par points ou par durée de cotisation.
La valeur du point sera décidée par le gouvernement
C’était effectivement le projet du rapport Delevoye. Le premier ministre avait déjà indiqué qu’au contraire, ce seraient les partenaires sociaux, comme aujourd’hui, qui piloteraient le système. Tout danger est-il écarté ? Non, car le risque reste toujours, aujourd’hui comme demain, que le gouvernement impose des conditions draconiennes. Ou bien qu’il reprenne la main en cas de non accord entre organisations patronales et syndicats de salariés : c’est déjà ce qu’il se passe actuellement. Là encore, quel que soit le système, s’il est piloté par les partenaires sociaux, il y a nécessité in fine d’un accord ; sinon, le gouvernement et le Parlement, car il s’agit d’une loi de finances doivent prendre leurs responsabilités.
La retraite minimum à 1000 euros
Passer la retraite minimum à 1000 euros n’est pas un gros progrès. Le bénéfice par rapport à la situation actuelle est mince (quelques dizaines d’euros). On aurait pu espérer plus. Il n’y a cependant pas de dégradation. D’autre part, il s’agit là encore d’un choix sociétal, indépendant du système de retraite : qu’il soit par durée de cotisation ou par points, c’est un seuil minimum fixé par la loi ; et qui peut donc être augmenté par les députés.
Les femmes seront-elles mieux traitées ?
Les avis sont divergents. Certaines analyses disent que oui, d’autres que non. Il est cependant intéressant de voir l’origine du problème, car clairement, aujourd’hui, dans le système actuel, les femmes touchent des pensions nettement inférieures aux hommes (37% d’écart !). Cette situation est due à de nombreux facteurs : carrières hachées, salaires plus faibles, arrêts plus nombreux ou temps partiels pour élever les enfants …. Et il est difficile de le corriger dans le système actuel fait de multiples régimes différents.
Avoir un système unifié (ou quasi) permet d’avoir des leviers plus clairs et plus simples. Il reste sans doute à les actionner, dès maintenant si possible, mais il va falloir éclaircir les effets réels du nouveau système : les carrières professionnelles des femmes ont changé depuis plusieurs décennies. En effet, nos grand-mères accédaient peu au travail salarié, nos mères davantage mais souvent dans des emplois vus comme un complément au salaire de leur mari.
S’il faut compenser les arrêts pour élever ses enfants par exemple, ce sera plus facile dans un système unifié que dans le système actuel, notamment avec les points acquis dès la 1° heure et non pas après 150 h comme auparavant
D’autre part, les femmes pourront compter sur des bonifications dès le premier enfant (au 3° dans le système actuel)
Et dans l’Éducation nationale ?
Il va falloir penser à chiffrer réellement la hausse des salaires
Il s’agit d’un débat particulier. En effet, il est acquis que le nouveau système serait très défavorable aux enseignants, aux chercheurs, aux CPE, aux PsyEN. Dans la fonction publique, le passage d’un système prenant en compte seulement les 6 derniers mois à un autre prenant toute la carrière comme base de calcul amènerait de fortes baisses de pension. Pour la plupart des fonctionnaires, cette différence serait compensée par une nouveauté : la prise en compte des primes dans le calcul des points. Mais pour les corps précisés plus haut, il n’y a quasiment pas de primes à prendre en compte !
D’où la forte inquiétude des collègues, tout à fait légitime. Le Sgen-CFDT depuis le début à évidemment alerté le ministère et a demandé des compensations. Si pas mal de doutes pouvaient apparaître par rapport à la crédibilité d’un tel échange, il semble aujourd’hui que nous soyons sur la bonne voie. Les annonces du gouvernement semblent suivies d’effet pour l’instant : comme annoncé par Édouard Philippe le 11 décembre dernier, la loi reprend dans son article 1, ce qui n’est pas anodin, le principe d’une « revalorisation de leur rémunération leur assurant le versement d’une retraite d’un montant équivalent à celle perçue par les fonctionnaires appartenant à des corps comparables de la fonction publique de l’État », le tout « dans le cadre d’une loi de programmation » (voir ici le projet et ici l’exposé des motifs). Les discussions commencent dès demain lundi.
Nous sommes donc maintenant bien au-delà de promesses même s’il faut rester prudent.
Il reste en effet des problèmes. D’une part, si le montant annoncé d’une dizaine de milliards correspond à priori aux besoins de cet équilibrage, on reste pour l’instant dans des annonces, qui seront donc à écrire dans la loi de programmation. Et notre ministre Blanquer a souvent par le passé tenté de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Rappelons nous, en début d’année, ses fameux 300 euros d’augmentation en fait déjà actés par le gouvernement précédent. Il n’est cependant pas le seul à le dire. En particulier, le ministre du budget, Gérald Darmanin, a lui aussi avancé ce chiffre, comme d’ailleurs le président de la République. Et dans ces domaines, la parole de Bercy a plus de poids qui quiconque.
Nous ne voulons pas de contreparties à cette hausse !
Mais le problème essentiel est l’introduction d’éventuelles compensations par le gouvernement pour ces augmentations. Soit sous forme d’un temps de travail supplémentaire, soit en distribuant l’argent sous forme de primes associées à certaines fonctions ou travaux, c’est-à-dire à certains mais pas à tous. Là le gouvernement reste très vague et refuse de clarifier, ce qui n’est pas de bon augure. On verra dans les discussions qui s’ouvrent demain, mais ces compensations ne seraient pas acceptables : il s’agit de rétablir d’une part un niveau de pension de retraites et aussi une baisse tendancielle des salaires des enseignants depuis des décennies.
Vous pouvez suivre l’avancée des négociations sur le site de notre fédération
Il ne faut cependant pas limiter les demandes aux retraites.
Clairement, la grève très suivie du 5 décembre a montré l’étendue du malaise dans l’Éducation nationale et pas seulement chez les enseignants. Il faut le dire mais aussi trouver des solutions. Entre autres, le SGEN-CFDT a des revendications sur :
– les contractuels : les concertations sectorielles dans les ministères doivent aussi bénéficier aux contractuels
– une amélioration des règles de reclassement : il faut cesser de pénaliser celles et ceux qui intègrent un corps de la fonction publique après avoir été agent contractuel ou après une première carrière dans un autre corps de la fonction publique ou dans le secteur privé
– un travail de réduction drastique des inégalités femmes-hommes sur tous les éléments de rémunération : il y a urgence à agir tant les primes creusent les inégalités entre femmes et hommes, sauf lorsqu’elles sont forfaitaires et servies à tous,
– l’aménagement des fins de carrière : les nouveaux droits en la matière doivent être accessibles au plus vite.
– les enjeux de pénibilité : des personnels sont aussi concernés à l’Éducation nationale, l’Enseignement supérieur et la recherche, la Jeunesse, les Sports et l’enseignement agricole public.
Il y a dans ces domaines de bons espoirs. Début janvier se sont ouvertes dans la fonction publique les discussions sur la pénibilité y-compris les risques psycho-sociaux qui nous concernent plus et les fins de carrière.
Vous trouverez le compte-rendu de la première réunion, la déclaration CFDT, en lien avec le projet des retraites.
Encore une fois, il n’est pas question de crier victoire. Nous en sommes encore très loin. Si la CFDT entre dans les discussions, cela ne veut pas dire qu’elle donne un blanc-seing au projet du gouvernement. Les défis restent nombreux et in fine, si les améliorations ou les garanties dans les différents textes ne sont pas suffisantes, elle ne s’interdira pas de les refuser.
En savoir plus ?
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- Lisez l’analyse d’un sociologue Olivier Galland sur la face cachée de la réforme
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