Réouverture des établissements scolaires : la santé d’abord

Depuis que le président de la République a annoncé que les établissements scolaires pourraient réouvrir progressivement à partir du 11 mai 2020, les questions sont nombreuses et les échanges avec les autorités de l'Education nationale se multiplient. Pour le Sgen-CFDT, les enjeux de santé priment.

Le 13 avril 2020, le président de la République a indiqué que le confinement se prolongeait jusqu’au 11 mai 2020 et qu’après cette date, selon l’évolution de l’épidémie de Covid19, des évolutions pourraient avoir lieu, dont la réouverture progressive des établissements scolaires.

Le Sgen-CFDT s’est réuni en visioconférence avec le ministre de l’Éducation nationale le 15 avril 2020. C’est le cas de tous les syndicats représentatifs des personnels de l’Éducation nationale, des représentants de parents d’élèves et des membres du conseil national de la vie lycéenne.

Sécuriser les personnels, les élèves et les familles mais aussi continuer à contribuer aux objectifs nationaux de santé publique…

Au Sgen-CFDT, nous considérons et avons affirmé que les enjeux de santé étaient premier : santé publique, santé individuelle et santé mentale. C’est donc par ces points que nous avons démarré notre intervention auprès du ministre, et nous avons affirmé nos exigences pour que des réouvertures puissent être envisagées à partir du 11 mai selon les territoires.

Nous demandons au ministère d’engager des négociations afin de construire des plans ou protocoles de reprise qui nous semblent indispensables pour sécuriser et rassurer les personnels, les élèves et leurs familles, mais aussi pour continuer à contribuer aux objectifs nationaux de santé publique.

 

Santé publique : préserver notre système de soin

L’objectif de santé publique, de santé de la population est premier pour nous. Cela nécessite de considérer l’impact des réouvertures sur le système de soin.

 

Quand et où peut on ouvrir et doit-on refermer un établissement scolaire ?

Nous avons insisté sur la différenciation territoriale pour tenir compte de la géographie de l’épidémie selon des critères que les autorités sanitaires décideront mais qui sont sans doute le nombre de nouveaux cas, le nombre d’entrée en réanimation, le niveau de saturation des services hospitaliers, les restrictions de circulation préconisées ;

 

Définir un cadre national technique décrivant les conditions sanitaires à garantir dans la durée pour ouvrir et  assurer la sécurité des personnels et des élèves et les rassurer.

Ce cadre devrait en particulier préciser les éléments suivants : mise à disposition de masques pour les personnels et les élèves (indispensable puisque le monde médical semble désormais unanime en ce sens, et que la sensibilité de la population à la question montre que sans cette disponibilité la confiance et la sérénité ne seront pas au rendez-vous), savon, points d’eau, matériel jetable pour se sécher les mains, gel hydroalcoolique, nettoyage des locaux, gestes barrière, règles de distanciation sociale et donc nombre d’élèves accueillis en même temps dans l’ensemble des espaces des établissements scolaires.

 

Maintenir voire augmenter les capacités d’accueil de malade hors hôpitaux.

Par ailleurs, dans plusieurs régions, l’État a réquisitionné des internats pour héberger des malades du Covid19, soit à la sortie de l’hôpital, soit parce que leurs symptômes n’imposent pas l’hospitalisation, mais que leurs conditions de vie ne leur permettent pas de s’isoler pour ne pas contaminer leur entourage, ni de se reposer pour guérir. Dans sa conférence de presse dimanche 19 avril 2020, le Premier ministre a présenté ce type d’accueil (en hôtel ou dans d’autres structures) pour des malades ne nécessitant pas d’hospitalisation comme un des éléments de la stratégie de déconfinement. Aussi nous demandons que les établissements dont les locaux sont ainsi réquisitionnés ne puissent rouvrir qu’avec l’accord de la préfecture qui peut s’assurer d’abord de disposer de locaux alternatifs pour le même objectif.

 

Maintenir la capacité à accueillir les enfants de soignants.

La réouverture des établissements scolaires ne doit pas non plus fragiliser l’accueil des enfants de soignants dont ces professionnels doivent continuer de bénéficier d’un accueil leur permettant de se consacrer à leur travail, encore plus difficile dans la période, dans les moins mauvaises conditions.

La géographie de l’épidémie impose d’ajuster les décisions de réouverture d’établissements scolaires territoire par territoire, mais aussi d’envisager l’éventualité de refermer des établissements si la situation l’exige en matière de santé publique, et pour le Sgen-CFDT, ces décisions n’appartiennent pas à l’Éducation nationale seule.

Réouverture des établissements scolaires - Les enjeux de santé doivent primer. Protection de la santé des personnels, des élèves et de leurs proches

Regrouper de nouveau personnels et élèves dans les établissements ne doit pas leur faire courir de risque accru de contracter le virus et d’en devenir les propagateurs.

 

Protéger les personnes les plus vulnérables aux formes graves de la maladie

La protection de la santé des personnels et des élèves, et autour d’eux de leur entourage.

Le Sgen-CFDT demande :
  • De repérer les personnes qui sont particulièrement vulnérables aux formes graves de la maladie (personnels comme élèves)
    • Ces personnes ne peuvent être obligées de rejoindre l’établissement en présentiel : l’assiduité des élèves n’est pas susceptible d’être sanctionnée, les personnels exercent à distance quand c’est possible, et bénéficient d’autorisations spéciales d’absence sinon.

 

  • De permettre aux personnes (personnels comme élèves) qui vivent avec des personnes ayant cette vulnérabilité de bénéficier de ces mesures.

Ces mesures supposent de mettre en œuvre les dispositions du décret 82-453 du 28 mai 1982 relatif à la santé et la sécurité dans la fonction publique et de suivre les recommandations du haut conseil de la santé publique concernant le Covid19. Ces dispositions doivent être étendues de manière exceptionnelle aux agents exerçant dans l’enseignement privé.

L’État employeur doit organiser le repérage des personnes susceptibles de bénéficier des mesures de protection évoquées ci-dessus dans un cadre éthique indispensable. Cela suppose une organisation et du temps en amont du retour en présentiel dans les établissements. Il convient en effet d’informer les personnels et les familles de ces possibilités, leur donner le temps de consulter leur médecin traitant, leur médecin spécialiste le cas échéant, un médecin scolaire ou un médecin de prévention.

La plus grande bienveillance en la matière est nécessaire. Il serait regrettable que les personnels en viennent à user de leur droit de retrait, ou que les familles nourrissent une relation conflictuelle à l’École pour des raisons de santé.

 

Équipement et nettoyage un défi logistique à réussir pour envisager d’ouvrir

Cela suppose aussi d’assurer une logistique d’équipement et de nettoyage avant la réouverture et tout le temps que les autorités sanitaires l’estiment nécessaire après la réouverture dans chaque établissement scolaire :

  • Désinfections des locaux et pas uniquement des salles dites de classe avant la réouverture,
  • Désinfection régulière des locaux tant que le virus circule, avec une attention renforcée concernant les sanitaires,
  • Approvisionnement régulier et suffisant pour les personnels et les élèves en masques, gel hydroalcoolique, savon, essuies-mains à usage unique notamment,
  • Renforcement des équipes médico-sociales pour une présence hebdomadaire dans les écoles et établissements : formation de toutes et tous aux gestes barrières, à l’utilisation des masques, suivi épidémiologique et isolement en cas de symptômes faisant craindre un cas de Covid19,
  • S’assurer que dans tous les établissements scolaires, il y a un espace adapté pour isoler les personnels et les élèves qui présenteraient des symptômes faisant craindre un cas de Covid19.

Il est probable que nombre d’établissements ne soient pas en mesure d’accueillir de nouveau des élèves rapidement…

Alors que l’observatoire nationale de la sécurité (ONS) indique que plus de la moitié des écoles ne dispose d’aucun lieu d’isolement possible en cas de maladie et que plus de 20% des établissements n’ont pas suffisamment de points d’eau pour garantir les gestes barrières, il est probable que nombre d’établissements ne soient pas en mesure d’accueillir de nouveau des élèves rapidement.

Sur ces questions, un travail avec chacune des collectivités locales concernées (municipalités, départements, régions) et les conseils d’administration des écoles privées sous contrat doit être mené notamment pour organiser l’approvisionnement régulier et suffisant en EPI pour les personnels et les élèves, en gel hydroalcoolique et en savon, pour programmer les travaux nécessaires, un soutien financier de l’État aux collectivités doit être débloqué si nécessaire.

L’ensemble de ces enjeux doit guider les décisions de réouverture : dates, lieux, modalités concrètes de ré-union dans les établissements scolaires (et donc ce qu’il est possible de faire ou pas dans les différents espaces de l’établissement : salles, couloirs, cour de récréation, cantine, sanitaires, bureaux administratifs, de la vie scolaire, nombre d’élèves accueillis simultanément…).

Il faut définir un cadre technique national empêchant l’ouverture ou imposant la fermeture s’il n’est pas garanti localement…

Sur ces questions, un cadre technique national élaboré en lien avec les ARS, les préfectures nous semble nécessaire, quitte à ce qu’il y ait des décisions différenciées selon les territoires par exemple en matière de calendrier des réouvertures. Tant que ce cadre national ne peut pas être garanti localement, l’établissement ne peut rouvrir et accueillir du public, s’il devait à un moment ou un autre ne plus être réalisable, les fermetures doivent pouvoir être prononcées rapidement.

Il faut donc de définir et de rendre publics :

  • Le niveau et les acteurs prenant la décision de réouverture et de fermeture des établissements (les enjeux de santé publique sont tels que l’Éducation nationale ne peut être seule décisionnaire) ;
  • Les critères de santé publique et de protection des personnels et des élèves qui sont pris en compte.

 

Être attentifs à chacun : le temps de la résilience devra être pris

Les équipes, les élèves, comme l’ensemble de la population sont éprouvés par le contexte épidémique et le confinement. Il faut prendre en compte cette réalité pour préparer le retour des personnels, puis le retour des élèves là où le cadre sanitaire pourra être garanti, et dans les territoires où les autorités sanitaires et les préfectures estimeront les ouvertures possibles.

Pour le Sgen-CFDT, cela suppose de donner du temps aux équipes professionnelles pour refaire collectif, puis du temps pour préparer l’accueil des élèves.

Donner du temps aux équipes professionnelles pour refaire collectif, puis du temps pour préparer l’accueil des élèves.

Entre les enjeux de protection de la santé physique des personnels et des élèves et le soin à apporter à la reprise ensuite des activités scolaires, il est clair que pour le Sgen-CFDT, la réouverture ne peut se faire trop vite, trop tôt et n’aura pas partout le même calendrier. Le dialogue social maintenant pour préparer les reprises, le dialogue social ensuite à tous les niveaux de notre institution pour s’assurer de la mise en œuvre des mesures sanitaires sont indispensables. Le 11 mai sera peut-être plus le début d’un processus que la date d’une ouverture aux élèves.

En savoir plus ?

  • Prenez connaissance des comptes rendus des instances académiques et départementales :

CTA , CTSA, CHSCT du  24 mars

  • Consultez les articles sur le site fédéral :

Audition du ministre par les députés sur les conditions de reprise

Protéger les personnels vulnérables

AESH et les difficultés d’une reprise

Personnels administratifs et reprise

RTT, Congés une ordonnance injuste

Réouverture le 11 mai, doutes et questionnement