Paru le mercredi 24 janvier, le rapport Mathiot, ensemble de propositions pour une réforme du baccalauréat, et à travers elle du lycée, charrie déjà son lot d’inquiétudes. En complément de l’analyse nationale du rapport par le Sgen-CFDT, nous avons souhaité revenir sur certains points.
Plus de contrôle continu : une iniquité rédhibitoire ou la fin d’une hypocrisie ?
Le rapport Mathiot propose d’augmenter la part du contrôle continu au baccalauréat.
Actuellement, les élèves sont corrigés par des enseignants de leur académie et au milieu d’élèves des lycées voisins. Quand on sait le poids du niveau général d’un paquet sur l’évaluation d’une copie, cela peut clairement entraîner des distorsions territoriales.
Actuellement toujours, c’est le contrôle continu, et non le bac, qui joue un rôle essentiel dans l’orientation des élèves dans le supérieur via les plateformes APB puis Parcoursup. Si le bac demeure la porte d’entrée dans le supérieur, il ne détermine en rien l’orientation.
Si le bac demeure la porte d’entrée dans le supérieur, il ne détermine en rien l’orientation.
Si le rapport Mathiot s’appliquait, ce serait 40% du bac en contrôle continu. Le rapport reste d’ailleurs ouvert quant aux modalités de ce contrôle continu.
Si l’augmentation du contrôle continu peut réduire le caractère uniforme du bac, penser qu’elle peut entraîner des discriminations est sans doute excessif. On peut faire confiance aux personnels enseignants pour mener le contrôle continu avec sérieux et équité.
En préconisant d’intégrer des notes du Bac à Parcoursup, le rapport Mathiot vient au contraire paradoxalement réduire l’influence du contrôle continu sur la poursuite d’études.
Le « grand Oral » : mieux vaut combattre les discriminations sociales que les ignorer.
Depuis de nombreuses décennies, l’oral est peu travaillé dans le système scolaire français. Compétence essentielle dans le monde professionnel, elle est ainsi de facto réservée à ceux qui peuvent bénéficier, pour la maîtriser, d’un entourage et d’un capital culturel plus importants.
Alors que les modes de travail au lycée demeurent pilotés par le bac (ce qu’on peut regretter) c’est donc ne pas envisager d’épreuve orale qui serait sans doute le plus discriminant socialement.
Si un « grand oral » doit devenir la règle, le Sgen-CFDT revendique que l’épreuve soit proche de celle des actuels TPE.
La guerre disciplinaire aura-t-elle lieu ?
Avant même la publication du rapport Mathiot, les inquiétudes disciplinaires s’exprimaient déjà fortement. Dans le secondaire français, l’identité disciplinaire, au cœur du recrutement des enseignants, demeure un marqueur très fort. Alors forcément, quand les choses changent, chacun s’inquiète. Ici les pétitions se multiplient et semblent toucher toutes les matières. L’histoire-géo s’inquiète de se voir réduite à la portion congrue, la philosophie de même et les sciences ne sont pas en reste. Les enseignants de langues vivantes ont peur d’horaires hebdomadaires insuffisants et quant aux enseignants de lettres, pour lesquels a priori bien peu semble changer, ils sont un bon nombre à s’inquiéter de cet immobilisme alors que la formule actuelle est bien peu satisfaisante, notamment au niveau du baccalauréat.
quand les choses changent, chacun s’inquiète
La prolifération même des inquiétudes doit permettre de penser que celles-ci ne sont pas toutes infondées, mais aussi qu’il faut sans doute attendre pour en savoir plus. A ce stade, bien malin celui qui peut dire à la lecture du rapport Mathiot ce qu’il adviendra de la part de chacun. Une chose est sûre cependant : la concurrence disciplinaire peut avoir pour le système scolaire quelque chose d’un peu mortifère.
Organisation modulaire et services : des garde-fous obligatoires !
L’organisation modulaire prônée par le rapport Mathiot a forcément des conséquences sur la construction du parcours annuel. Pour le Sgen-CFDT la question clé n’est pas celle de la variation de la charge de travail. Les enseignants travaillent déjà plus lors de certaines périodes que dans d’autres, mais bien celle des garanties et de la reconnaissance pour les collègues. Si variations il y a, elles doivent être encadrées, valorisées et permettre une amélioration des conditions de travail et non le contraire. Il convient donc sur ce sujet de rester très prudent
Lycée modulaire, fin des filières ?
Pas si simple. La modularité n’a de sens que si elle permet la construction de parcours plus souples et plus personnels. Le fait de créer des majeures et des mineures comme le fait Mathiot risque surtout d’entraîner la reconstitution de filières.
La modularité n’a de sens que si elle permet la construction de parcours plus souples et plus personnels.
Le poids du tronc commun, la faiblesse du nombre de choix possibles en termes de couples de majeures et mineures, peut permettre de reconstituer des groupes classes en fonction de ces derniers. Avec le risque non négligeable que Maths-Physique soit très vite plus attractif et plus valorisé que Lettres/Langues Vivantes.
Il ne faudra que quelques années aux acteurs (parents, élèves, enseignants) pour reconstituer une forme de hiérarchie, les options les plus valorisées étant celles qui permettront de garder ouvertes le maximum de portes et donc de retarder le choix d’orientation, comme c’est le cas avec la série S aujourd’hui.
Des voies toujours aussi inégales
La voie professionnelle n’est tout simplement pas concernée par le rapport Mathiot. Effarant, surtout quand on sait combien les passerelles entre voie professionnelle et voie générale et technologique sont à la fois nécessaires et productives.
Quant à une fusion entre voie technologique et voie générale, par exemple par l’intermédiaire de couples de majeures et de mineures mélangés, elle ne semble plus vraiment à l’ordre du jour. Le rapport Mathiot insiste sur la nécessite de préserver les enseignements technologiques et les modes d’apprentissage qui vont avec, source de réussite pour bon nombre d’élèves parfois en difficulté avec des modes plus traditionnels. Soit. Mais il ne faudrait pas profiter de cet argument pour s’assurer que chacun reste de son côté.
Les moyens, les délais ?
Du côté des moyens, Pierre Mathiot a plusieurs fois précisé que son rapport était conçu « à moyens constants » pour le lycée. Un choix qui, s’il est loin de certaines annonces catastrophistes, ne peut être satisfaisant.
Pour les délais, tout n’est pas encore fixé. De premières annonces sont attendues pour le 14 février. Deux possibilités sont étudiées.
➤ L’une ferait monter la réforme progressivement : seconde en 2018, première en 2019, Terminales en 2020.
➤ Dans l’autre, rien ne changerait à la rentrée 2018. Seul un « test de positionnement numérique et ludique » serait ajouté à l’entrée en seconde. Si la réforme suit son cours, seconde et première devraient alors être bouleversées à la rentrée 2019.
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Consulter le rapport Mathiot en intégralité