Rencontre avec Mahmoud Kekouche, militant, candidat et délégué des listes Sgen-CFDT de l’université Paris-Nanterre. Il est aussi responsable du pôle Handicaps et accessibilités au service orientation et insertion professionnelle (SCUIOIP) de l’établissement.
Peux-tu évoquer ton engagement syndical en lien avec les situations de handicap ?
Au pôle Handicaps, je suis en charge du suivi des étudiant.es mais c’est dans ma posture syndicale que je suis en relation avec des collègues sur les questions de reconnaissance et de prise en charge. En 4 ans, j’ai pu accompagner une vingtaine de collègues de l’établissement et leur faire connaître leurs droits qui souvent ne sont pas respectés. Par exemple bénéficier d’un travail à distance (TAD) adapté à une situation de vulnérabilité.
Ces collègues arrivent jusqu’à moi par le « bouche à oreille ». Il y a aussi un effet miroir : étant moi-même en situation de handicap, on me sollicite pour des démarches en interne ou pour faire prévaloir un droit à l’autonomie et à la compensation du handicap auprès de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées). Je pense à une collègue qui voulait un mi-temps thérapeutique : sa situation illustrait bien la souffrance au travail qui émane d’une mauvaise organisation dans un service avec des transferts de charge. On lui avait fait comprendre qu’elle n’aurait pas droit au télétravail, tout en déniant son droit au TAD et à un temps thérapeutique : il a fallu agir auprès de l’administration et de sa direction pour qu’elle soit moins exposée et qu’elle recouvre ses droits. Reconnue MDPH, elle ne savait pas qu’elle était éligible à un temps thérapeutique et à un temps partiel : nous avons obtenu une régularisation.
Il s’agit de redonner confiance à des collègues exposés aux risques psycho-sociaux (RPS) et qui finissent par se sentir inutiles, faute de reconnaissance professionnelle.
Je suis identifié comme une personne ressource. Nous essayons de déployer avec les collègues une démarche CFDT : sceller une relation de confiance, mais aussi proposer un engagement ou une implication qui peut permettre de se sentir utile, c’est crucial pour l’estime de soi : agir pour ne plus subir.
A l’université Paris-Nanterre, il y a environ 70 agents en situation de handicap (soit un peu plus de 3 % du nombre total d’agents), on devrait en avoir 120 reconnus RQTH. Avec la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, le principe d’insertion professionnelle est généralisé à la Fonction publique qui doit montrer l’exemple. De fait nous progressons localement, même si cela va lentement.
Et du côté des étudiant·es ?
On ne peut que se réjouir de l’inclusion et de la médecine préventive : nous avons à ce jour 972 étudiant·es à besoins spécifiques (sur 34 000) avec une tendance à l’augmentation. Nous identifions mieux une population qui n’hésite plus à se faire connaître. Avec un bémol : nous accueillons plus d’étudiant.es mais à moyens constants, ce qui est une source d’exposition aux RPS pour les agents. Nous sommes quatre au pôle Handicaps pour faire face à cette augmentation et proposer un accompagnement personnalisé.
L’établissement est volontariste, avec des logements adaptés sur le campus, des opérations comme la Semaine d’emploi des personnes handicapées pendant laquelle des étudiant·es sont accueilli·es dans des services, avec des profils proposés via une plate-forme Duoday et l’idée de sensibiliser, de faire tomber les barrières psychologiques et les réticences pour le recrutement. Enfin Objectif Emploi est un dispositif de parrainage avec la participation d’une vingtaine d’entreprises, la mairie de Suresnes et le conseil régional : cinquante jeunes bénéficient d’un accompagnement d’une année pour découvrir des métiers et construire un projet professionnel compatible avec leurs attentes et leurs facultés qui restent intactes pour s’émanciper par-delà leur handicap.
En tant que représentant.es des personnels Sgen-CFDT, quel est votre bilan de mandat ?
Nous avons initié en début de mandat une mesure qui a abouti et dont nous sommes fiers : le versement de la prime d’établissement de fin d’année d’une manière équitable pour tous les agents Biatss.
Auparavant, la prime était distribuée de façon arbitraire et fractionnée en vingt tranches. Depuis 3 ans, elle est versée intégralement sans reliquat et selon une nouvelle modalité simplifiée de 6 tranches, avec une modulation par prime plancher et prime plafond par catégorie (A : 800 à 1100, B : 650 à 900 et C : 450 à 700), ainsi qu’une réduction à la clé des écarts de redistribution à 250 € en moyenne. Une attention aura été portée à toutes les catégories d’agents, sans laisser personne en chemin. C’est un principe qui nous guide à Paris-Nanterre.
Ne laisser personne en chemin, c’est un principe qui nous guide au Sgen-CFDT.
Pour les collègues non-titulaires (contractuels sur poste permanents), nous avons soutenu le versement de primes par répartition en catégorie (A, B et C) qui se décomposent désormais en 3 tranches avec des montants revus à la hausse pour atteindre un seuil plancher par catégorie : 450 € pour les personnels contractuels de catégorie C, 650 € pour les B et 800 pour les A. Ces montants peuvent être majorés de 200 € pour les agents qui exercent des responsabilités ou bien des sujétions particulières liées au poste occupé dans le service.
Autant de propositions pour rendre attractifs les postes et éviter turn-over et désorganisation dans les services. Nous avons su rallier tout le monde (administration et organisations syndicales) à notre position, ce qui caractérise un syndicalisme de négociation et fortifie notre capacité à faire cause commune sur des préoccupations qui tiennent à cœur toute la CFDT : justice sociale, solidarité, égalité professionnelle femmes-hommes, lutte contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles.
Santé au travail et nouveaux droits
Nous portons aussi l’exigence de nouveaux droits comme ce fut le cas pour la charte télétravail à laquelle nous avons largement contribué en tant que représentantes et représentants Sgen-CFDT et qui instaure 2 jours de télétravail localement avec un impact positif sur les conditions de travail.
La santé au travail des agents doit être une priorité.
Nous avons proposé que la prévention des risques psycho-sociaux (RPS) soit proposée en formation aux chef·fes de service et devienne une priorité dans les choix de gouvernance de l’établissement. L’occasion pour nous de rappeler le besoin de baromètre social, avec par exemple une enquête annuelle présentée à tous les personnels, le besoin d’une veille sociale, la possibilité de mettre en place des groupes de parole pour que les collègues puissent venir se livrer en confiance et en dehors des relations de hiérarchie.
Notre souhait est que la nouvelle Formation spécialisée santé et sécurité au travail (F3ST) issue du CSA permette de renforcer ce besoin d’attention aux agents et de réduire les situations de grande souffrance en remettant l’humain au centre de l’organisation du travail.
Il faut réduire les situations de grande souffrance et remettre l’humain au centre de l’organisation du travail.
Tel est donc le sens de notre engagement. Chacune et chacun peut apporter sa petite pierre à l’édifice pour construire une réponse contre le fatalisme et le « diviser pour régner », ériger des passerelles qui aident les collègues à avancer et trouver leur voie par l’écoute et le dialogue social et permettre, peut-être, que le fait de tendre la main ne soit plus l’exception, mais bien une forme d’émancipation dans nos relations au travail !
Quelles sont vos priorités pour demain ?
Le sujet essentiel reste celui des postes administratifs vacants en trop grand nombre (une soixantaine de postes à pourvoir pour notre établissement) et du mal-être des collègues qui en découle par la surcharge de travail. Le corollaire étant la mise en œuvre du régime indemnitaire (RIFSEEP), qui doit être engagée rapidement avec des distinctions significatives en terme de primes variables (CIA : complément indemnitaire annuel) selon les responsabilités exercées (niveau d’encadrement, périmètre financier), les sujétions spéciales ou l’exposition aux risques de certains postes.
Rémunérations et conditions de travail
L’attractivité passe par une revalorisation des rémunérations, de meilleures conditions de travail, mais aussi par un effort porté sur le taux d’encadrement avec le recrutement d’enseignant.es, lequel doit être à la hauteur des enjeux de l’enseignement public, qui reste un levier de promotion sociale et d’égalité des chances.
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