Mahmoud Kekouche est responsable du pôle Handicaps et accessibilités au service orientation et insertion professionnelle de l’université de Paris-Nanterre (SCUIO-IP). Une rencontre qui est l’occasion d’un portrait militant.
Combattre toutes les formes d’exclusion
Même s’il est discret et plutôt réservé de nature, Mahmoud a répondu volontiers à notre appel « pour témoigner, dit-il, de son expérience professionnelle en qualité de travailleur handicapé… Afin de faire tomber les barrières psychologiques «mutuelles» qui peuvent exister entre collègues valides et moins valides au sein d’un collectif de travail. »
Comme il le précise, il a adhéré à la CFDT en connaissance de cause : c’est l’approche constructive, avec le dialogue comme levier de changement, qui lui convient. Et c’est aussi le combat contre toutes les formes d’exclusion. « Je ne regarde pas les étiquettes quand je rencontre une personne, c’est mon code de la route dans la vie. » Éloge de la différence donc. Et mise en avant du dialogue. Mahmoud rappelle que l’université est au service du public et de l’éducation, elle œuvre pour l’intérêt général et se doit d’être un reflet de la société dans sa diversité.
Une personne référente et aidante
Mahmoud est devenu une personne référente et aidante concernant toutes les situations de handicap, visibles ou invisibles. Parfois des collègues en difficulté viennent le voir spontanément.
Il y a une grande appréhension : les agents hésitent à déclarer une situation de handicap.
« Pourtant la direction et les chef.fe.s de service de Paris-Nanterre sont sensibilisé.es, les services RH mènent une politique attentive à la diversité et au respect des obligations qui leur sont faites par la loi pour la prise en charge des situations de handicap.»
Il y a un avant et un après la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances.
« J’incite les collègues à faire reconnaître leur situation. En jouant franc jeu bien des difficultés peuvent être évitées. Par des aménagements d’espaces ou d’horaires, par exemple. Il faut dire qu’il y a un avant et un après la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances. Nous sommes passés d’un traitement médical des déficiences pour les travailleurs handicapés à un traitement social, une reconnaissance et une politique d’intégration des personnes en situation de handicap. Rendre l’environnement favorable pour lever les obstacles. L’inclusion suppose en effet obligation en termes d’emploi, d’aménagement et d’équité de traitement.
C’est un droit opposable qui a été créé.
Comment es-tu arrivé au Pôle Handicaps et accessibilités ?
« Il a été créé en 1995 et j’ai pris mes fonctions à ce poste en 2011, nous sommes aujourd’hui trois agents au service des étudiant.es. J’ai moi-même été étudiant ici et après un parcours professionnel dans le domaine du journalisme, j’ai souhaité revenir à l’université pour témoigner d’un parcours et des épreuves traversées.
C’est important que les étudiant.es puissent s’identifier à des parcours qui sont possibles.
C’est ainsi que, dès 2006, j’ai pu contribuer, en tant que contractuel à la bibliothèque, à l’autonomie des étudiant.es, en proposant un équipement informatique adapté aux différentes situations de handicap. J’ai réussi en 2017 le concours d’assistant ingénieur et je suis devenu responsable de la prise en charge des étudiant.es de l’établissement.
Par contre la prise en charge des situations de handicap des agents est du ressort du service RH de l’université, une autre collègue en a la responsabilité et nous travaillons de concert en mutualisant nos approches. »
Une semaine pour changer de regard
« Nous préparons par exemple la 4e édition d’une Semaine de l’accessibilité et du handicap, une semaine (du 12 au 17 mars 2018) qui est faite pour changer de regard sur les handicaps. Nous proposons de nombreuses activités aux agents et aux étudiant.es pour que tout le monde puisse échanger, réfléchir aux postures d’accueil et à l’inclusion qui est toujours perfectible, bien sûr. Cette sensibilisation passe par des activités physiques adaptées, des mises en situation, des parcours d’activités, des ateliers. »
Un élan partagé
En 2017 des ateliers de danse adaptée, un repas dans le noir, une journée d’accueil des lycéen.ne.s handicapé.e.s, un parcours d’activités et challenge inter-UFR « On dit CAP ! » avec des équipes mixtes (personnes en situation de handicap ou non) et une participation d’une quarantaine d’étudiant.es de l’UFR STAPS… avaient fait la démonstration d’un bel élan.
Pour Mahmoud, l’université Paris Nanterre, contrairement par exemple à certaines grandes écoles qui sont déficientes et ne disposent parfois d’aucune structure pour prendre en charge ces situations, mène une politique volontariste et ambitieuse pour améliorer l’accompagnement des étudiant.es en situation de handicap mais aussi le recrutement et le maintien dans l’emploi d’agents.
Respect de l’obligation d’emploi
« L’université vise, dans la mesure de ses moyens et de ses besoins en termes de gestion prévisionnelle des emplois, à respecter son obligation d’emploi de travailleurs en situation de handicap (6% du taux d’emploi légal) par le recrutement direct et non pas en recourant à de la sous-traitance (Établissements adaptés/ ESAT). » Emmener ces étudiant.es le plus loin possible après la licence…
L’un des objectifs d’avenir sera d’emmener ces étudiant.es (elles ou ils représentent 9 % des effectifs) le plus loin possible après la licence car très peu sont doctorant.es par exemple.
Comment l’accompagnement se met-il en place ?
« Le pôle reçoit toutes celles et tous ceux qui viennent nous voir, il reçoit aussi des notifications d’aménagement qui émanent des 3 médecins agréés de l’établissement, précise Mahmoud. Les demandeurs sont souvent dans des situations de souffrance et les délais de mise en œuvre de l’aménagement ou de l’accompagnement peuvent être longs. Nous sommes régulièrement exposés à des difficultés. Il s’agit par exemple de trouver des vacataires pour assurer une prise de notes afin de récupérer des cours pour une ou un étudiant.e nécessitant un suivi psychologique particulier. »
Insertion professionnelle
« Il n’est cependant pas toujours possible de personnaliser l’accompagnement comme nous le souhaiterions. Je suis par exemple très heureux que nous ayons pu accompagner une ancienne étudiante polyhandicapée, titulaire d’un master de psychologie du travail et victime de discrimination à l’embauche dans les entreprises, jusqu’à son insertion professionnelle ici à Paris-Nanterre dans le cadre d’une mission sur les risques psycho-sociaux auprès des enseignants-chercheurs. Je pense que tout le monde se doit d’être concerné par cette cause, car chaque personne est « en sursis par rapport au handicap ».
Les situations professionnelles sont à l’origine de 20 % des situations de handicap.
« Par ailleurs, il ne faut pas qu’un accident dans notre vie ou notre parcours débouche forcément sur de l’exclusion. Il faut rassurer les personnes et les inciter à enclencher des démarches. C’est mon engagement : on aide parce qu’on veut aussi pouvoir être aidé à un moment ou à un autre de son parcours de vie. »
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