Rencontre à l’université Paris-Saclay, plus précisément à la faculté Jean Monnet de Sceaux. Avec Angélique Malec, responsable de la bibliothèque de la recherche et Alexandre Ricard, technicien informatique.
Précisons tout d’abord que l’Université Paris-Saclay est étendue géographiquement, ses nombreuses composantes sont disséminées, voire éclatées, sur plusieurs sites : Orsay, plateau de Saclay, Kremlin-Bicêtre, Sceaux… La Faculté Jean Monnet forme 6000 étudiants en droit, économie et management sur les sites de Sceaux, Orsay et Fontenay-aux-Roses et compte environ 140 enseignants-chercheurs et 90 BIATSS. Le télétravail y est laissé au choix de l’agent dans le cadre de la Charte de l’Université adoptée le 2 juillet 2020. Cette dernière précise que les agents, titulaires comme contractuels, peuvent télétravailler deux jours fixes par semaine maximum.
De l’ordinateur fixe à la pratique du bureau à distance
Au départ, à Jean Monnet, nous ne disposions que de PC fixes comme poste de travail principal. La révolution a eu lieu lors du premier confinement avec le passage en catastrophe au “travail à distance” obligatoire imposé par le gouvernement. Les agents à l’époque ont été contraints de travailler avec leurs propres ordinateurs ou avec des ordinateurs prêtés par la faculté sans avoir reçu de formation et d’information adéquates. Il y a évidemment eu quelques dysfonctionnements comme le fait que certains collègues éteignaient leurs ordinateurs plutôt que leur session de travail, ce qui avait comme conséquence d’obliger la personne d’astreinte à la Faculté de relancer les ordinateurs éteints in situ en coupant les alarmes de l’établissement, d’aller dans le bureau de l’agent, de rallumer l’ordinateur, de vérifier que tout était en règle, de refermer le bureau et de remettre les alarmes … et ce, tous les jours ! C’était l’apparition de l’utilisation des bureaux à distance en somme.
Dans un second temps, l’université a doté ses agents d’ordinateurs portables pourvu d’un réseau privé virtuel et crypté (VPN), avec un protocole de connexion qui permet de disposer en toute sécurité de l’ensemble des logiciels, applications et documents de travail où que l’on se trouve. Grâce à cet outil, l’environnement de travail informatique de l’agent ne change pas.
Nouvelles formes de travail
Nous avons ici la traduction de l’adaptation des outils aux nouvelles formes de travail hybrides. Tous les agents susceptibles de faire du télétravail selon la Charte universitaire, sauf les agents techniques et d’accueil, sont désormais équipés de matériel et ont reçu une formation. Une autre façon de travailler est aujourd’hui mise en place : cette crise a permis de démontrer que l’impossible devenait possible !
Du système D à un système « institutionnel »
Par ailleurs, pendant le premier confinement, les agents ont cherché différents outils de communication pour pouvoir échanger et communiquer, avec des groupes Whatsapp, Skype, Zoom, etc. Il s’agissait plutôt d’initiatives “personnelles” car la communauté universitaire était peu voire pas formée à l’outil “officiel” Collaborate. Aujourd’hui l’établissement a mis à disposition de ses agents Teams et Collaborate, outils qu’il gère lui-même.
Un cadrage était bien sûr attendu par les collègues et les représentant.es des personnels de l’établissement pour prévenir des dérives qui sont toujours possibles dans ce nouvel environnement de travail : quel temps de travail ? Quid du week-end ou des heures tardives ? Quelle qualité de connexion pour les agents ?
À la demande des élu.es Sgen-CFDT du CHSCT, une discussion a pu se tenir à propos du temps de travail et particulièrement de l’encadrement du télétravail.
Ce qui a permis d’élaborer la Charte relative au télétravail au sein de l’Université de Paris-Saclay.
Évolution des pratiques : du pour et du contre
Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est une appropriation des outils de communication par l’ensemble des agents, quels que soient leur catégorie et leurs services. La bibliothèque de la recherche de Jean Monnet, par exemple, travaille beaucoup en réseau sur des projets transversaux composés de groupes multisites afin de mieux répondre aux besoins documentaires des chercheurs.
Le digital a permis une montée en compétences des agents publics au bénéfice des usagers en s’appropriant une pédagogie innovante et des outils de communication du télétravail.
Les bibliothèques organisent aujourd’hui des formations à distance pour les étudiants et les doctorants qui ont beaucoup de succès : avec un public disséminé géographiquement, cette nouvelle offre est un réel atout pour leurs études et leurs recherches.
Le besoin de recréer du collectif
Par contre, la systématisation du distanciel pour la tenue de commissions, de conseils, d’instances de gouvernance entraîne des effets pervers tels que l’agressivité, le manque de fluidité de la parole, le manque de respect des tours et du temps de parole, le manque d’écoute et une véritable perte en ligne dans l’échange…
On ne s’écoute plus, plusieurs personnes parlent en même temps et il est difficile de développer un véritable dialogue.
Nous déplorons la persistance de certaines pratiques devenues systématiques suite aux contraintes liées à la crise sanitaire telles que la suppression d’événements ou de temps collectifs pour rassembler le personnel. Alors que dans le même temps le besoin de se retrouver, de parler et de se parler est constaté par toutes les militantes et tous les militants. Les pots de départ ou de fin d’année, par exemple, commencent tout juste à être de nouveau organisés après deux ans de suspension.
Nous déplorons également le fait que le « format webinaire » remplace de plus en plus, probablement par facilité ou par commodité, les réunions en présentiel.
Ce format met malheureusement en place une pratique unidirectionnelle de partage d’information sans possibilité d’échange réel. Le plus souvent, ces webinaires sont proposés à la dernière minute, ce qui empêche l’inscription des agents intéressés qui doivent s’organiser en amont au sein de leur service pour y assister. Nous aimerions davantage de concertation avec les élu.es du personnel sur les thématiques proposées et les besoins ou les attentes des agents. Recréer du collectif dans un établissement, c’est aussi redonner du sens et par exemple entraîner l’adhésion des membres de la communauté à un projet d’établissement.
Nos revendications
Il faut rappeler qu’au niveau national, le Sgen-CFDT a milité pour la signature d’un accord national sur le télétravail dans la fonction publique qui a vu le jour le 13 juillet 2021 afin d’en fixer les modalités de mise en place.
À l’université de Paris-Saclay et dans le cadre de la mise en œuvre de cet accord, nous revendiquons :
que les agents puissent disposer d’un écran de taille équivalente à celle de leur poste de travail et la fourniture d’un fauteuil afin de protéger leur santé ;
que soit mis en paiement immédiatement l’indemnité forfaitaire de 2,50 euros par jour de télétravail, indemnité prévue par décret et arrêté du 28 août 2021 et versée à tous les agents de façon rétroactive à partir du 1er septembre 2021 ;
que le dialogue social local en présentiel ne soit pas purement et simplement supprimé par le nouvel « échelon distanciel ».
Un double défi
L’intégration des nouveaux outils et modalités de travail dans le quotidien des agents doit se faire en répondant à un double défi que militantes et militants du Sgen-CFDT ne manquent ni de rappeler ni de développer dans les instances : assurer, retrouver des temps collectifs réguliers en présentiel où la parole des agents puisse circuler et se faire entendre ; assurer, construire un dialogue social de qualité où les attentes des agents puissent être prises en compte.
N’hésitez pas à contacter les militantes et militants Sgen-CFDT UPSaclay.