Dialogue de sourds ?

Retour et éléments d'analyse après notre rencontre avec la Rectrice de l'académie de Versailles. Nous avions indiqué en amont les questionnements qui étaient les nôtres pour cette audience qui faisait suite à l'élection de notre nouvelle secrétaire générale.

Une audience attendue

Le 23 novembre dernier, une délégation du Sgen-CFDT Versailles était reçue en audience (par visio-conférence) par la rectrice, le secrétaire général du rectorat, la DRH de l’académie et la cheffe de la DPE. Une entrevue dense, qui a duré près d’une heure trente et avait démarré par un point de situation sanitaire.

Nous avions choisi de mettre en avant plusieurs dossiers sur lesquels il est grand besoin d’avancer :

  •  la prise en compte en l’état d’épuisement de nombre de personnels dans le contexte actuel et des risques psycho-sociaux plus que réels qui pèsent sur l’ensemble des personnels
  • la nécessité de restaurer une vision et une lisibilité de plus long terme pour les personnels
  • la question du dialogue social à mener à tous les niveaux, des établissements au rectorat, dans notre académie, au regard de la situation sanitaire mais aussi de la réduction drastique des compétences de commissions paritaires.

Nous sommes arrivés avec des questions précises, et nous avons été écoutés. Ecoutés oui, mais peu entendus.

Les personnels au rouleau compresseur

Nous avons fait part à la rectrice de notre grande préoccupation de l’état de fatigue, de désarroi, de colère aussi, qui est celui des personnels de notre académie. Après l’assassinat de notre collègue Samuel Paty, dans le contexte de la crise sanitaire qui dure, des inquiétudes, des contraintes, des réadaptations qu’elle engendre.

Nous n’avons de cesse d’alerter sur la situation d’écoles, d’établissements, de collègues en situation particulièrement difficile, par les CHS-CT notamment. Lire à ce propos l’article « CHSCTA Versailles: nous sommes inquiets pour tous nos collègues ».

La rectrice nous a dit être très consciente de cette situation.

Nous avons alors insisté sur le besoin de relâcher la pression sur les personnels, à tous les niveaux, et pour cela de prendre des mesures concrètes, immédiates, à l’image des propositions que nous avions déjà formulées et transmises:  dix mesures immédiatement applicables pour ne pas  aller dans le mur .

Alléger la formation, suspendre provisoirement les temps d’APC (dans le premier degré) ou encore les rendez-vous de carrière : voilà de propositions pragmatiques propres à desserrer un peu l’étau.

Ces options ne sont pas retenues par le rectorat et les DSDEN… Pourtant à situation exceptionnelle, il faudrait des mesures exceptionnelles.

En la matière la rectrice a annoncé que « plusieurs centaines » de personnels embauchés sur des contrats courts comme enseignant.es du premier degré ou AED vont être affectés à notre académie jusqu’au vacances de février. Au vu des situations de non remplacements, il est difficile de « faire la fine bouche » et de pas réjouir de ces renforts. Cependant, il ne faut pas occulter que ce seront des personnels précaires, pas ou peu formés, qui ne font pas une politique de long ni même de moyen terme. Et on peut même se demander même si ces emplois éphémères seront effectivement pourvus.

Nous avons insisté aussi sur la nécessité de sortir d’une gestion dans l’urgence, et faite d’annonces médiatiques. Nous ne sommes plus au printemps et la crise sanitaire s’est installée dans la durée. Il faut en conséquence s’attacher à donner maintenant une visibilité ou au moins une « prévisibilité » jusqu’à la fin de l’année scolaire. La responsabilité en incombe d’abord au ministère, mais le rectorat a tout son rôle à jouer en la matière.

Un dialogue dégradé

Nous avons plaidé la cause de collègues qui ont fait usage du droit de retrait et parfois du droit de grève au cours de la première semaine de reprise de novembre, notamment pour obtenir une application plus conforme du protocole sanitaire, tout en réfléchissant collectivement à de nouvelles organisations. Parfois même pour obtenir que le registre santé et sécurité au travail (RSST) soit accessible ou que se réunisse une CHS locale. Nous avons demandé à ce que ces collègues qui se sont mobilisés pour l’intérêt collectif dans leurs établissements ne se voient pas pénalisés financièrement.

Le rectorat s’est engagé à ce que les choses soient examinées au cas par cas, mais pour l’essentiel il n’y aura pas de souplesse. Et pourtant, quel paradoxe : nombre de fonctionnements pédagogiques adaptés en lycée ont par exemple été pensés lors de ces journées, et leur qualité d’ensemble est louée par le rectorat ! C’est qu’entre temps le ministère avait lâché du lest, et la mobilisation des personnels n’y était pas totalement étrangère…

Et il ne s’agit là que d’un exemple concret de la dégradation du dialogue entre les personnels et leur administration.

D’une façon plus générale, avec l’amenuisement des attributions des commissions paritaires (qui ne siègent plus en amont des opérations de mutations et de promotions), nous constatons et dénonçons des difficultés importantes pour accéder aux informations, échanger, accompagner nos collègues dans leurs opérations de carrière ou le suivi de leur situation individuelle. S’il ne s’agissait que de faire évoluer notre positionnement syndical, cela ne serait pas si grave encore. Le plus grave, ce sont les collègues qui restent sans réponses, ou sans solutions, et la défiance, et à tout le moins le soupçon, qui se trouvent alimentés ainsi, et auxquels personne n’a à gagner.

« Le dialogue social évolue, il s’approprie de nouveaux objets. » nous a-t-on dit. Certes, les instances des CHSCT académique et départementaux se réunissent plus régulièrement, et nous nous en félicitons, car c’est bien le moins au regard de la période actuelle et de ses enjeux. Mais nous sommes loin d’un réel dialogue social, qui se déclinerait à toutes les échelles, et laisserait de véritables marges d’autonomie et d’adaptation au niveau local, dans un cadre évidemment défini.

C’est alors qu’il y aurait un dialogue véritable, et non un dialogue de façade.

La rectrice nous a dit partager certains de nos constats et certaines de nos préoccupations, notamment quant à l’état général des personnels, au besoin de tracer de nouveau des perspectives et de restaurer des liens distendus… Nous souhaitons vivement que cela puisse se traduire en actes visibles pour les personnels, sans attendre que le ministère en prenne (enfin) l’initiative.

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