Quel accompagnement des personnes à l'université ? Rencontre avec Mahmoud Kékouche, militant Sgen-CFDT et responsable du Pôle handicaps et accessibilité. Un retour d'expérience au long cours sur ce qui a été vécu depuis deux années et sur les propositions locales du Sgen-CFDT.
Quelles ont été les urgences depuis deux ans ?
Du côté de la vie étudiante, il y a eu un impact très fort de la crise sur la santé mentale, avec des troubles cognitifs. Décrochages et abandons ont été nombreux. Celles et ceux qui sont en résidence universitaire ont eu beaucoup de difficultés à vivre cette période. J’ai été frappé par le franc-parler de deux étudiants en situation de handicap : « avec le confinement, ce que les valides vivent, c’est ce que nous vivons en permanence en étant autistes, il faut essayer de nous comprendre. »
Repli, isolement, perte de repères et désarroi, certains ont pu l’exprimer mais pas tous. Nous avons connu en 2021 un reflux d’inscrit.es pour bénéficier d’un accompagnement.
Nous n’étions pas préparés pour basculer dans le virtuel et l’hybridation. Une vraie difficulté a été celle de l’accessibilité aux supports pour les déficients visuels ou auditifs. Les outils étaient encore sommaires au moment des examens et des épreuves en ligne, puis des modalités spécifiques ont été mises en place.
Précarités
Celles et ceux qui sont en précarité sociale ont été les premiers à pâtir de la situation. En 2021 le service d’accueil de médecine préventive a été renforcé par des psychologues et un médecin-psychiatre, c’est une nouveauté. Des étudiants volontaires ont également pu être des relais santé, l’entraide entre pairs fonctionne bien, nous avons recruté un étudiant avec un handicap non visible qui est une ressource pour aborder ces questions.
Nous avons eu des situations difficiles, notamment des tentatives de suicide, suite à la détresse sociale et administrative.
Un lien par messagerie commune permet d’assurer une veille et de repérer cette écume du mal-être. Cela a été salvateur.
J’étais inquiet, avec la bascule en distanciel, les étudiants étaient délaissés et ne pouvaient nous contacter directement. Les étudiantes ont pu faire davantage état de leur détresse, il y a plus de retenue chez les garçons.
Faire valoir ses droits
Aujourd’hui nous avons davantage de jeunes qui font prévaloir leur droit à un aménagement, il y a une forme de retour à la normale, malgré les effets de la crise. Nous avons une quarantaine de jeunes en situation de handicap suivis de manière quotidienne, ils sont un peu chez eux au Pôle handicaps.
Il est important de chercher à accueillir le mieux possible, de sensibiliser tous les interlocuteurs, d’adapter les pratiques.
Il est important de permettre plus de fluidité à un parcours d’études que l’on voudrait proche des cordées de la réussite.
Et du côté des agents de l’université ?
Le Sgen-CFDT local a été force de proposition pour mener une enquête après le second confinement. Environ 30 % des agents ne donnait pas signe de vie. Les catégories qui étaient en astreinte fonctionnelle manquaient des équipements nécessaires. Nous avions pourtant mis en avant le télétravail et le besoin d’équiper les collègues. Puis nous sommes passés d’une centaine d’ordinateurs prêtés à plus de 1000 avec un accès à un poste de travail virtuel.
Une reconnaissance indemnitaire indécente au vu des efforts consentis.
Les collègues de catégorie C sont un peu écartés du télétravail régulier, malgré l’accord collectif adopté localement. Cela vient d’un encadrement directif qui n’est pas fondé sur l’autonomie et la confiance. En terme de reconnaissance indemnitaire, la dotation ministérielle est indécente au vu des efforts consentis, la redistribution a créé un malaise entre collègues, elle n’a concerné que 5 % des agents, soit 113 éligibles pour astreinte et sujétions spéciales sur 2 271.
Il y a surtout le besoin de recréer du lien.
Ne laisser personne au bord du chemin
Nous avons pu organiser des visios et quelques rencontres, la section a renforcé ses liens. Beaucoup se sont retrouvés au bord du chemin pendant cette crise sanitaire, il y a toujours des oubliés. Ce fut le cas pour le télétravail, pour l’accompagnement des agents de catégories C. Nous avons besoin de nous retrouver pour mieux connaître nos situations particulières et nous soutenir. En cette période délicate ce sont les liens affectifs et les relations sociales qui importent, sans quoi on décline sur le plan moral et cognitif. L’interaction sociale, l’entraide, la coopération syndicale sont vitales.
Affiche 2022 Paris Nanterre Une semaine pour changer les regards sur le handicap
N’hésitez pas à prendre contact avec les militantes et militants du Sgen-CFDT !