Le collège d’Issou, révélateur de nos problématiques

Retour sur un établissement sous le feu des projecteurs, où se cumulent des difficultés emblématiques. Au-delà des évènements récents, comment prendre mieux en charge ces situations de crise et répondre aux besoins des équipes ? Actions et propositions du Sgen-CFDT

Le collège Jacques Cartier d’Issou n’a pas rencontré rapidement une attention aux difficultés exprimées par les personnels  ni réponses à ses demandes. Il a fallu attendre la visite du ministre Gabriel Attal pour que des moyens soient annoncés. Faudra-t-il une médiatisation et une visite ministérielle à chaque fois pour espérer que les problèmes et besoins des établissements soient un peu entendus?

Pourtant le droit de retrait exercé par les personnels du collège à la suite d’incidents particulièrement graves s’inscrit dans un contexte emblématique d’un certain nombre des problématiques. Et la hiérarchie ne doit pas les négliger : climat scolaire dégradé avec de nombreux faits de violence, remise en cause des enseignant.es, atteintes au principe de laïcité …

Des problématiques accrues

Dégradation du climat scolaire

L’établissement connait un climat dégradé avec de nombreux incidents scolaires. En effet, en un trimestre 16 « faits établissement » sont remontés contre 4 pour toute l’année scolaire précédente. Et ce, avec  avec de nombreux faits de violence sur élèves, des accusations mensongères d’élèves et de parents visant des enseignant.es, des atteintes à la laïcité …

Dès fin novembre, le  chef d’établissement élabore un  protocole de gestion de crise fin pour tenter de faire face à l’afflux de situations difficiles à gérer  et d’apaiser le climat. Rien n’y fait. Celui-ci adresse également un courrier d’alerte à la DSDEN des Yvelines.

Un manque de moyens humains

Il manquait 4 AESH, 1 AED,  un complément de poste CPE ….Des moyens humains indispensables qui permettent la réactivité dans les situations difficiles et leur prise en charge.

La réactivation du traumatisme de l’assassinat de Samuel Paty

Une enseignante présente en cours l’oeuvre « Diane et Actéon » de Césari. La représentation peinte de la déesse antique et de nymphes dénudées suscite des réactions outragées de la part de quelques élèves puis parents. Voilà l’enseignante accusée d’avoir tenu des propos racistes et islamophobes. Un scénario qui rappelle par trop des évènements qui ont précédé l’assassinat de Samuel Paty, pas si loin d’Issou. C’est l’incident de trop. « On a eu très peur » … nous disent les collègues très affectés.

L’institution sous-estime le traumatisme lié aux attentats contre les enseignant.es ainsi que toutes  les situations de réactivation de ce traumatisme. Source de stress paralysant qui  rend l’exercice de nos missions particulièrement difficile voire impossible. De plus, l’absence de véritable soutien s’avère insupportable et crée un sentiment d’abandon.

Des procédures inadaptées et un manque de soutien

Pas de transmission des fiches RSST à la DSDEN 78

La transmission des fiches RSST (du registre santé et sécurité au travail) pose problème puisque c’est lors du F3SCT du 78 qu’il se découvre qu’il faut les adresser au conseiller de prévention des Yvelines.  Encore aurait il fallu le savoir ! Ce que confirme notre visite au collègue d’Issou où nous  constatons que personne ne sait à qui les transmettre.

Un manque de soutien

Mobilisation 8 décembre

Si les collègues ont pu compter sur le soutien de nombreux parents entre autre de la FCPE, et sur celui du Sgen-CFDT, force est de constater qu’il n’en n’a pas été de même de la part de la DSDEN du 78.  Alertée pourtant par le chef d’établissement depuis plus d’un mois des nombreuses difficultés rencontrées.

Certes la DSDEN du 78  a dépêché l’inspecteur vie scolaire, le CAAEE, le conseiller de prévention, a permis la mise à disposition d’un psychologue. La directrice académique et son adjoint se sont déplacés le lundi matin 11 décembre , d’autant qu’il fallait assurer un intérim de direction. Par contre, leurs besoins en personnels,  leur mal-être au quotidien n’ont pas été entendus. Pire, le vendredi 8 au soir,  en réponse à l’exercice du droit de retrait de ce jour, la menace de « prélever 4 jours de grève » en cas de poursuite le lundi. Avec en sus, une ‘injonction à mieux tenir compte et communiquer sur ce que la DSDEN a mis en place ».

C’est bien la prise en charge d’un collectif de travail en situation de crise qui n’a pu être mise en place, soit une des préconisations des travaux de la délégation d’enquête issue du CHSCTA après l’assassinat de Samuel Paty. Une gestion de crise nécessite de l’écoute, de l’empathie, du dialogue, avec des ressources humaines adéquates. La DSDEN doit s’alarmer lorsque tout un établissement s’arrête. Ce n’est pas anodin, ce n’est pas un caprice mais un vrai appel au secours faute de prise en compte et de prise en charge.

Le Sgen-CFDT demande plus d’écoute et de réponses adéquates lorsque les équipes leur signalent des faits inquiétants.

Retour sur les préconisations de la délégation d’enquête académique après l’assassinat de Samuel Paty

Présentées en CHSCTA puis publiées en juin 2022 à l’issue d’un travail conséquent mené par des représentant.es des organisations syndicales représentatives, de l’administration et des acteurs de prévention, certaines de ces préconisations, contrairement à celles qui correspondent au renforcement de la protection fonctionnelle et de son suivi, ne sont pas encore mises en place, ou correctement mises en place, notamment « la prise en charge d’un collectif en situation de crise ».

Quelques un des axes de préconisations suite à  l’enquête Samuel Paty

  • Renforcer la protection des agent.es,
  • Mieux coordonner et professionnaliser les interventions de prise en charge psychologique post traumatique,
  • Mieux évaluer et prévenir les risques encourus par les cadres et personnels d’accompagnement,
  • Développer et formaliser les gestions de crise dont  la prise en charge d’un collectif de travail en situation de crise
  • Renforcer la prévention des risques professionnels,
  • Mieux coordonner et professionnaliser les interventions de prise en charge du collectif de terrain …

Peut être serait-il temps d’établir un bilan et un suivi des mesures appliquées et celles à programmer ou  réactiver ?

Ce que le Sgen-CFDT a porté, comment il est intervenu

Contacté en début de semaine par sa représentante locale, le Sgen-CFDT  de l’académie de Versailles:

  • a alerté le jeudi 7/12 lors du F3SCT des Yvelines (ex CHSCT) la directrice académique sur la situation très dégradée  au collège.  A alerté sur le problème de transmission des fiches RSST dans le second degré,
  • s’est rendu sur place vendredi 8/12, jour où les personnels ont exercé leur droit de retrait. Nos militantes ont constaté la situation de  souffrance de nombre de personnels, leur détresse.  De même, celles-ci ont constaté aussi le sentiment d’impuissance et d’abandon face à l’absence de réponses à leurs alertes et demandes concrètes,
  • a interpellé la DSDEN du 78 pour abonder les moyens et demander la reconnaissance  du droit de retrait
  • a relayé à les informations et alertes auprès de la fédération des Sgen-CFDT, qui a interpellé le ministère, et également plaidé pour cette reconnaissance.

En vue du CSA académique du 19/12, le Sgen-CFDT demande:

  • un bilan sur l’application des préconisations de la délégation d’enquête académique après l’assassinat de Samuel Paty
  • la confirmation que les moyens humains annoncés pour le collège ont bien été effectivement attribués
  • un engagement sur l’absence de retrait de salaire aux personnels, qui ont légitimement fait valoir leur droit de retrait.

En savoir plus ?

Vous pouvez consulter :

L’ interview de la secrétaire générale du Sgen-CFDT, Catherine Nave, sur France info: Comment une rumeur après la projection en classe d’un tableau représentant des femmes nues a révélé une situation de crise au sein d’un collège des Yvelines ?

Notre dernier article sur la F3SCT du 78, avec notre alerte sur registres SST et la situation du collège d’Issou