Bilan de rentrée 2020 : un mois plus tard…

Un mois après la rentrée, quel bilan peut-on en tirer ? Quelles perspectives et quelles revendications pour la suite ?

Un article proposé par le Sgen-CFDT Créteil à l’issue de son conseil syndical le 7 octobre, et dont les constats rejoignent tout à fait ceux du conseil syndical du Sgen-CFDT Versailles, qui se tenait le même jour.

 

Une rentrée normale ? Difficile de ne pas repartir de ce point, tant l’expression dit beaucoup de la manière dont ce début d’année a été envisagé, dans la mesure où c’est l’ensemble du système scolaire et du supérieur qui vit depuis un bon mois dans la dissonance cognitive.

D’une part tout est normal. Élèves et étudiant·e·s sont là et remplissent des classes et des amphis trop petits, comme avant. Les programmes sont là aussi et remplissent une année trop courte, comme avant.

Mais par ailleurs, rien n’est normal : le gel, les masques, la distanciation impossible et la vie au gré des cas supposés, des cas avérés, des cas contacts. Tout est là pour nous le rappeler.

La crise sanitaire implique des chocs, des soubresauts, parce que la science avance et que ses progrès, mais aussi ses erreurs, nous obligent à faire évoluer nos pratiques, parce que l’épidémie progresse de nouveau en cet automne.

Un refus de penser

Et ce qui nous frappe en ce début d’année, c’est le refus constant, depuis le printemps, de penser cette situation en termes éducatifs, de prendre un recul pourtant nécessaire pour envisager la situation au-delà de l’urgence et pour construire, surtout, les adaptations nécessaires à cette situation.

Comme si ne pas regarder la situation, la nier, parfois avec véhémence, permettait de la faire disparaître.

Où est la réflexion sur les effets du confinement et de la période loin des établissements et des écoles pour les élèves et les étudiant·e·s ? Elle se limite pour l’instant à des injonctions à rattraper le retard, couplées à des évaluations qui en font prendre davantage, sans une réelle réflexion éducative et sociale à l’égard des plus précaires.

Où est la réflexion sur l’adaptation des formes scolaires et étudiantes à la situation ? Comment repense-t-on les programmes, les emplois du temps, les groupes, les classes à l’aune de la situation exceptionnelle que nous vivons ? A ce niveau l’action ministérielle s’est limitée à concevoir d’une part un plan dont personne ne comprend quelle nuance de rouge, sans doute au-delà de l’écarlate, peut provoquer le déclenchement ; et à distribuer, d’autre part, les heures supplémentaires non consommées au printemps dans les établissements du 2nd degré. Comme si, alors qu’il est déjà si difficile d’assurer les heures enseignements traditionnelles dans la situation actuelle, il suffisait de déverser quelques dizaines d’heure ici ou là pour, tel un coup de baguette magique, « rattraper le retard » qui obsède tant. Il y a pourtant bien eu des productions de grande qualité sur le retour en classe. Mais qui l’a su ? Qui a pris le temps de les adapter localement ?

Ainsi, loin d’amortir les chocs évoqués plus haut, les ministères ont depuis le printemps exposé les personnels.

Chaque secousse, une fois passée à la moulinette des ministères et de BFM TV, est devenue un tremblement de terre. Chaque virage, un dérapage incontrôlé. Et c’est ainsi qu’on demande un dimanche soir aux universités de réduire leurs jauges, qui restent pourtant souvent à définir, de 50% pour le surlendemain.

Notre première revendication est donc celle-là : Monsieur le Ministre de l’Education Nationale, Madame la Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et l’Innovation, nous avons besoin de continuité, de cohérence, de vision. Nous avons besoin de ministères qui nous protègent au lieu de nous exposer.

Des personnels qui s’adaptent

Partout sur le terrain les personnels, exposés aux incohérences, aux paradoxes et, disons-le plus simplement, au « démerdentiel », ont fait preuve de leur capacité à s’adapter, à faire vivre intelligemment le protocole, à prendre soin du scolaire et du sanitaire, à apporter à leurs élèves ou leurs étudiant·e·s les connaissances, les compétences mais aussi la sécurité affective nécessaire aux apprentissages, parce que nous sommes tou·te·s attaché·e·s à la qualité de vie au travail pour nos élèves, pour nos étudiant·e·s, pour nos collègues et pour nous-mêmes et faisons de notre mieux pour qu’elle soit possible.

Cela n’a pas été sans tension. Cela n’a pas été, et n’est pas toujours facile. Cela nécessite de gros efforts et des réflexions importantes, par exemple sur la communication : éviter de créer de l’anxiété, respecter le souci médical tout en présentant les situations avec honnêteté et en permettant à chacun·e de se protéger n’est pas chose aisée.

La diversité des situations dans l’académie, suivant les territoires, les degrés, les équipes, est frappante. Elle témoigne une nouvelle fois que l’Education Nationale Une et Uniforme est un mythe. La collaboration entre l’Education Nationale et les collectivités territoriales est ainsi indispensable pour faire face à la situation. Et il serait de bon ton qu’elles se rappellent que jouer collectivement ne signifie pas nécessairement passer son temps à se renvoyer la balle.

La diversité des situations dit aussi que les acteurs et actrices ont des marges de manœuvre ; qu’ils et elles peuvent et doivent s’en saisir et qu’il faut donc leur faire confiance.

Encore de nombreux problèmes

Des problèmes demeurent. La vitesse de propagation du virus dans le supérieur interroge. Les difficultés pour faire appliquer les gestes barrières, permettre l’aération des espaces, ne vont faire que s’intensifier avec l’arrivée du froid. Le matériel sanitaire nécessaire, gel et masques notamment, est encore trop souvent insuffisant, que ce soit par manque de coordination entre les acteurs et actrices ou parce que L’État continue de vouloir faire des économies de bout de chandelle en limitant le nombre de masques distribués et en refusant de fournir aux personnels qui le souhaitent des masques chirurgicaux jetables. La question de l’impact de la crise sur les plus précaires de nos élèves, de nos étudiant·e·s et de nos collègues, des coûts liés à la situation sanitaire, reste entière. Enfin, la situation sanitaire empêche parfois la convivialité nécessaire à l’exercice de nos missions. Elle rend plus difficile le fait de « faire équipe ». Et nous avons dans ce contexte une pensée particulière pour celles et ceux qui débutent nos beaux métiers dans ces drôles de conditions avec un accompagnement qui, lui non plus, ne s’est pas ajusté.

Besoin d’école

Malgré ces problèmes, malgré les difficultés évoquées plus haut, nous ne pouvons que constater en cette rentrée à quel point nous avons toutes et tous besoin d’École, à quel point celle-ci a manqué et à quel point le temps que nous passons avec nos élèves, nos étudiant·e·s, nos collègues est précieux.

Nous sommes plus convaincu·e·s que jamais de l’importance de nos missions de service public, mais pour les mener à bien nous avons donc besoin de stabilité, de sérénité, de confiance, d’adaptation, de lucidité, de communication, de clarté, de bienveillance et des moyens sanitaires nécessaires et non négociables.

Cela fait beaucoup, mais pour peu qu’on leur accorde ceci, les personnels ont prouvé, à toutes les échelles, qu’elles et ils peuvent faire des merveilles.