Le jeudi 20 avril 2023, le président de la République a annoncé les mesures retenues par l’exécutif sur la rémunération des enseignant.e.s, CPE et PsyEN. Côté « socle », de la revalorisation pour toutes et tous, mais le pacte ne passe toujours pas. Décryptage.
Les concertations (et pas négociations) avec le ministère de l’Éducation nationale depuis septembre 2022 sur la rémunération et la revalorisation des enseignant.e.s, CPE et PsyEN reposaient sur deux enveloppes budgétaires distinctes :
- la partie dite « socle » : 635 millions € en 2023 à partir de septembre, puis 1,9 milliards € en année pleine à partir de 2024 pour une augmentation de la rémunération sans contrepartie, la seule qui corresponde à revalorisation salariale sans contrepartie, donc à une augmentation.
- la partie que le gouvernement appelle « pacte » : 330 millions € en 2023, puis près d’1 milliards € en 2024 en contrepartie de missions supplémentaires sur la base du volontariat, que le Sgen-CFDT et la FEP-CFDT ont toujours récusé car c’est du « travailler plus pour gagner plus ».
A l’heure des annonces, mais sans que l’on dispose encore des textes sur lesquelles s’appuieront pourtant une mise en oeuvre dès septembre (?!), un premier bilan.
Côté pacte, ça ne passe toujours pas !
Dans les concertations, la CFDT a sans cesse rappelé son opposition à la logique du “pacte enseignant” voulu par le président de la République. Comme l’ensemble des organisations syndicales, elle a quitté la table des concertations le 6 mars.
Le pacte contre les conditions de travail
Pour le Sgen-CFDT et la FEP-CFDT, le travail enseignant s’est beaucoup transformé ces dernières décennies, il s’est intensifié, et les missions particulières sur la base du volontariat se sont multipliées sans reconnaissance ni organisation soutenable. Les transformations du système éducatif multiplient les temps de réunions nécessaires pour le bon fonctionnement de l’École, en particulier dans le domaine de l’inclusion, de l’accompagnement des élèves et de l’orientation. Les travaux de l’automne avec le ministère ont montré que le temps de travail global “toutes tâches comprises” des enseignant.e.s est très élevé.
Cette situation débouche sur un épuisement professionnel massif, décrit par la CFDT depuis longtemps et que le ministère de ne peut ignorer compte-tenu des rapports des CHSCT et maintenant des formations spécialisées santé et sécurité au travail.
Avec le pacte et son « travailler plus pour gagner plus », le ministère détourne le regard des conditions de travail des personnels, de la qualité de vie au travail.
Le Sgen-CFDT et la FEP-CFDT l’ont constamment rappelé dans les concertations et ont demandé :
- que les missions déjà exercées soient mieux reconnues, et ce pour tous les corps : codifier plus d’IMP dans le 1er degré, augmenter le budget des IMP dans le 1er et le 2nd degré ;
- que les collègues qui sont volontaires pour des missions particulières puissent choisir entre la décharge de service d’enseignement et la rémunération indemnitaire du travail au-delà des obligations réglementaires de service comme le permet le décret sur les IMP en théorie.
En refusant ces propositions, le ministère reste sur travailler plus pour gagner plus qui ne répond pas aux aspirations et besoins des personnels, et qui amplifie l’alourdissement de la charge de travail.
Le pacte source d’inégalités
Par sa structure même, le pacte va creuser les inégalités femmes-hommes, premier-second degré et entre les différentes disciplines ou fonctions.
Toutes les études du ministère montrent que la rémunération liée à une charge de travail supplémentaire au-delà des obligations de service creuse les inégalités entre femmes et hommes. Nous avons alerté le ministère sur ce sujet dès le début des concertations. Étendre cette logique sans même cadrer la charge globale de travail risque fort d’aggraver les écarts, alors que l’égalité professionnelle femmes-hommes est affichée comme une priorité gouvernementale.
Par sa structure le pacte est moins accessible aux professeur.e.s des écoles, aux professeur.e.s documentalistes, aux CPE et aux PsyEN.
Le rattrapage du décrochage salarial entre premier et second degrés ne sera donc pas au rendez-vous dans les années qui viennent. Manifestement, le ministère ne parvient toujours pas à reconnaître pleinement le travail des professeur.e.s des écoles.
Retrouvez notre article : intervention des professeur.e.s des écoles au collège : non merci !
Retrouvez notre article sur les enjeux du remplacement des enseignant.e.s
En définitive, même si le ministère a fait évoluer son projet au fil des mois, le Sgen-CFDT et la FEP-CFDT ne « pactisent » pas, nous contestons toujours la philosophie du « pacte » enseignant voulu par le président de la République qui va continuer à dégrader les conditions de travail.
Côté socle : enfin des mesures de revalorisation pour toutes et tous dès septembre 2023, mais le rattrapage est loin !
Dans les concertations, la CFDT a toujours poursuivi l’objectif d’obtenir de la revalorisation pour toutes et tous afin de mieux reconnaître le travail et son intensification depuis des décennies, afin d’amorcer le rattrapage de la perte relative de pouvoir d’achat, le tout étant indispensable pour améliorer l’attractivité.
Systématiquement nous avons rappelé que le budget alloué pour le socle en 2023, puis 2024 ne permettrait pas d’incarner une promesse du candidat Macron (10 % d’augmentation pour tous sans contre-partie), et ne suffirait pas à assurer le rattrapage de la perte relative de pouvoir d’achat depuis des décennies.
La CFDT continue de demander une programmation pluriannuelle de la revalorisation.
Par ailleurs, la CFDT fonction publique revendique des mesures générales pour tous les agents publics, dont les enseignant.e.s, CPE et PsyEN : revalorisation de la valeur du point d’indice, ajout de points d’indice dans les grilles en particulier pour les agents les moins bien rémunérés. Ces mesures générales sont indispensables et urgentes.
Doublement de l’ISOE et de l’ISAE : une avancée obtenue par la CFDT
Dès l’automne, le Sgen-CFDT et la FEP-CFDT demandaient ensemble au ministère de doubler l’ISOE part fixe, l’ISAE et d’augmenter d’autant les primes fixes des professeur.e.s documentalistes, CPE et PsyEN. Cette mesure bénéficie aussi aux enseignant.e.s contractuel.le.s dans le public ainsi qu’aux maîtres délégués dans l’enseignement privé.
Lire notre article de novembre 2022
Nous l’avons obtenu alors qu’initialement, le ministère ne prévoyait pas de mesure salariale immédiate pour les collègues avancés dans leur carrière, mettant tout sur la prime d’attractivité d’une part, et sur les conditions d’accès à la hors-classe et la classe exceptionnelle d’autre part.
À partir de septembre 2023, l’ISOE part fixe, l’ISAE et l’ISP des professeurs documentalistes passent à 2550 € bruts par an, soit environ 1140 € nets annuels d’augmentation dont bénéficient aussi les CPE et les Psy EN sur leurs indemnités respectives, et +1360 € pour les professeur.e.s documentalistes.
Nous avions aussi rappelé que des enseignants exerçant des fonctions particulières sont trop souvent exclus de ce type de mesure. Le ministère précise que les conseillers pédagogiques, les conseillers en formation continue, les enseignants en milieu pénitentiaire, les maîtres formateurs, les formateurs académiques… bénéficieront d’une augmentation identique.
Nous continuons de revendiquer un triplement des mêmes primes.
Amélioration des reclassements : une avancée obtenue par la CFDT
C’est une demande ancienne de la CFDT : améliorer la reprise d’ancienneté dans les emplois exercés avant de devenir enseignant.e.s, CPE ou PsyEN. Après les premières améliorations en 2021 et 2022, c’est une nouvelle étape qui va être mise en œuvre. L’entrée dans la carrière enseignante tiendra mieux compte de la carrière antérieure.
Alors que de plus en plus de personnes deviennent enseignant.e.s après avoir exercé un autre métier avant, cette mesure est une avancée pour elles et eux, et l’attractivité des métiers.
Amélioration et revalorisation des déroulements de carrière : la suite
Le taux de promotion à la hors-classe va continuer d’augmenter, le contingentement de la classe exceptionnelle va être relevé. Cela signifie que davantage de collègues pourront être promu.e.s chaque année, et bénéficier d’une augmentation de leur traitement indiciaire plus tôt dans leur carrière.
La classe exceptionnelle doit aussi devenir un grade d’avancement selon un taux de promotion, comme la hors-classe.
Le Sgen-CFDT et la FEP-CFDT demanderont au ministère de ne pas oublier le fait que la classe exceptionnelle doit aussi assurer la reconnaissance des collègues qui ont exercé pendant au moins 6 ans au cours de leur carrière en éducation prioritaire, quartier prioritaire politique de la ville, exercé la fonction de directeur.trice d’école, de tuteur… Les discussions sur la mise en œuvre ne doivent pas se traduire par des régressions pour certain.e.s.
Amélioration et revalorisation des rémunérations en début de carrière : la suite
Les professeurs stagiaires vont bénéficier d’une prime de 160€ nets par mois, la prime d’attractivité va augmenter sur les échelons de début de carrière. Cela s’ajoute à l’augmentation de l’ISOE, ISAE et indemnités équivalentes des CPE et PsyEN. Ainsi, la revalorisation est plus forte en % pour les collègues en début de carrière.
L’amélioration des conditions d’entrée dans le métier est un enjeu majeur pour le Sgen-CFDT : il en va des rémunérations, et des conditions de travail. Sur ce dernier volet, pas d’amélioration à l’horizon pour le moment.
Meilleure reconnaissance de la mission de professeur principal : une avancée obtenue par la CFDT
Dans les concertations, la CFDT a demandé l’augmentation de la part modulable de l’ISOE pour les professeurs principaux. Le ministère reprend en partie notre revendication, en augmentant la rémunération des professeurs principaux de 1ère, terminale et de 2nde année de CAP qui se trouve alignée sur le taux le plus élevé, soit 1475,74 € annuels.
Dans notre académie, l’urgence de revaloriser dans un contexte de « désattractivité » majeure
Les concours ne font plus le plein, la courbe des démissions et ruptures conventionnelles s’envole, tout comme celle des recrutements contractuels… toutes ces réalités désormais bien médiatisées sont une réalité plus ancienne et bien plus marquée dans notre académie francilienne!
Dans le contexte d’inflation, le coût de la vie et du logement en région Ile de France contribuent à y rendre nos métiers moins attractifs encore.
C’est pourquoi le Sgen-CFDT de l’académie de Versailles revendique des mesures de revalorisation spécifiques pour les personnels de notre académie en mal d’attractivité, qui y exercent leur mission de service publique dans des conditions souvent difficiles.
Cela doit passer par la remise à plat et l’augmentation de l’indemnité de résidence commune aux agents de la fonction publique mais aussi par des mesures ciblées pour inciter les personnels qui assument le service public d’éducation à venir et à rester.