Que dire maintenant ?  Et que faire encore ? Déclaration liminaire au CSA académique de ce mardi 17 octobre

En lendemain des hommages rendus à Dominique Bernard, assassiné il y a trois jours, et à Samuel Paty, assassiné il y a trois ans, la déclaration du Sgen-CFDT de l'académie de Versailles en comité social académique.
Un article de compte-rendu suivra.

Monsieur le Recteur, mesdames et messieurs les représentant.es de l’administration et des organisations syndicales représentatives,

Le choc, l’effroi, la sidération, la colère :  les mots reviennent et ce sont les mêmes qu’il y a 3 ans, quand notre collègue Samuel Paty était assassiné devant le collège où il enseignait à Conflans. Ce sont les mêmes mots, car c’est de nouveau le même cauchemar bien réel qui est survenu cette fois dans l’enceinte d’une cité scolaire à Arras vendredi dernier. Après Samuel Paty, nous pleurons Dominique Bernard et nous espérons toujours que les collègues blessés en réchappent.

Nous vous remercions, monsieur le Recteur, d’avoir proposé dès vendredi après-midi une séance extraordinaire pour réunir les représentants des organisations syndicales afin de vous exprimer et de recueillir nos expressions et nos souhaits.  Ce moment n’était qu’un début.

Après les temps organisés dans les établissements, nous étions nombreuses et nombreux hier réuni.es place de la République pour rendre hommage, porter le deuil de notre, de nos collègues assassinés dans l’exercice de leur métier d’enseignant.

Que dire maintenant ?  Et que faire encore ? Quand la violence terroriste vise notre Ecole au cœur, car c’est bien de cela dont il est question.

Il s’agit de nommer et condamner sans équivoque. A cet égard, le Sgen-CFDT de l’académie de Versailles fait sienne la déclaration commune signée de notre confédération et de plusieurs fédérations qui la composent : nous devons faire bloc contre le terrorisme islamiste et contre tous les obscurantismes.

Il s’agit de continuer à faire école. Parce que notre école fait société, et que nous voulons qu’elle fasse société en portant haut les valeurs de la République, le principe de la laïcité non pour interdire mais pour émanciper. Nous œuvrons pour des générations d’hommes et de femmes libres. Libres parce qu’ils y ont appris à douter, parce qu’ils y ont appris à chercher, parce qu’ils y ont appris à distinguer savoirs et opinions, science et croyances.

Il s’agit de continuer à faire école en ayant à cœur de protéger les élèves et les personnels, sans sombrer pour autant dans la crainte permanente et mortifère du danger, ni dans l’amalgame. A cet égard, nous rappelons que la délégation d’enquête issue de l’ex-CHSCTA après l’assassinat de Samuel Paty a élaboré des préconisations quant aux protocoles d’alerte et de suivi de ces alertes, aux protections fonctionnelles, à l’accompagnement des collectifs de travail. Ces préconisations ont bien évidemment vocation à être connues des agents et mise en œuvre autant que de besoin.

Il s’agit de continuer à faire école avec les personnels, avec tous les personnels, à qui on demande tant, et ces jours-ci encore davantage. Si l’heure n’est pas à la polémique, si les contingences matérielles ne peuvent être balayées d’un revers de la main, de très nombreux collègues en particulier du premier degré ont exprimé leur incompréhension de ne pas pouvoir se réunir sur un temps dédié, à l’instar des personnels du second degré. Dans ces circonstances dramatiques, cette différence de traitement a été vécue comme un symptôme supplémentaire du déficit d’estime manifesté à l’endroit des professeur.es des écoles. Pourtant tous les personnels sont éprouvés pour ce nouveau drame. Tous ont besoin d’avoir le temps et la possibilité de se recueillir, d’échanger, de construire pour des élèves qui même très jeunes peuvent avoir été confrontés à des informations et des images qui appellent questions et explications.

Il s’agit de continuer à faire école en sortant des annonces immédiates et des injonctions qui pleuvent. Notre système scolaire a besoin de temps et de véritable confiance pour construire, et non d’une concertation flash de 8 semaines. Le ministre parle de la « bataille du niveau » ou du « choc des savoirs »…. Ce vocabulaire belliqueux déjà inapproprié la semaine dernière est encore moins bienvenu aujourd’hui que la violence aveugle a encore frappé plusieurs des nôtres.

L’édito du journal Le Monde d’hier interpelle : « Que le métier de professeur puisse, en France, être considéré comme « à risque » est inacceptable » et de conclure que le pays doit s’unir autour des professeurs et que le ministre doit « programmer dans la durée la revalorisation du métier des enseignants, derniers remparts contre l’obscurantisme ». Le propos pourra paraitre indécent à faire un lien entre ces évènements dramatiques et la revalorisation des personnels enseignants, et de tous les personnels qui contribuent au service public d’éducation. Mais revaloriser, ce n’est pas, et loin de là, que la question du salaire, même si elle n’est pas secondaire, c’est aussi celle de l’envie d’exercer ces missions, de leur attractivité.  C’est aussi la question du sens du travail et des conditions de travail.

En la matière, nous avons trop d’exemples de la dégradation des conditions de travail et de la perte de sens qui peut s’en suivre, là où notre école doit donner du sens, toujours. Comment bien travailler et donner du sens quand des personnels techniques dans les laboratoires en lycée doivent parfois absorber la charge de travail de plusieurs postes vacants et pourquoi pas trouver elles-mêmes des candidats pour les pourvoir ? Comment bien travailler et donner du sens quand on est directeur d’école déchargé à 33 % et que la décharge est assumée par des contractuels alternants qu’il faut bien sûr accompagner, sur une base périodique qui ne correspond guère aux besoins ? C’est plutôt la surcharge qui augmente alors. Comment bien travailler et donner du sens quand les effectifs des classes continuent de monter graduellement même des semaines après la rentrée, au-delà des seuils d’ouverture, notamment dans l’Essonne et dans le Mantois ?

Autant de questions, sans viser à l’exhaustivité, en lien avec l’ordre du jour de notre CSA, prévu bien sûr bien avant l’attentat de vendredi dernier. Nous ferons part directement en séance de nos questions et remarques à l’étude des différents documents, autant que nous avons pu le faire compte-tenu des délais contraints.

Nous vous remercions de votre attention.

 

Ordre du jour du CSA:

  • bilan de la mobilité des personnels
  • constat des effectifs premier et second après la rentrée 2023
  • bilan du baccalauréat GT
  • revalorisation indemnitaire des personnels des filières administrative et de santé
  • point d’étape sur la scolarisation des élèves allophones/ UPE2A
  • questions diverses