Le Conseil Supérieur des Programmes vient de publier les projets de nouveaux programmes de cycle 1 et 2, en français et mathématiques. Force est de constater que c’est du travail vite fait, mal fait qui ne s’est pas embarrassé de consulter les professionnels.
Rédaction des nouveaux programmes en deux mois, chrono
Saisi fin janvier 2024 par le ministère pour la rédaction de nouveaux programmes en maths et français, le Conseil Supérieur des Programmes (CSP) vient de rendre sa copie en publiant les projets de programmes en maths et en français pour les cycles 1 et 2.
En comparaison, les derniers programmes de maternelle en 2015 avaient demandé près de deux ans de travail, afin de synthétiser les apports des différentes auditions, recherches en didactiques et approches pédagogiques.
En 2024, les membres du CSP n’ont pas perdu de temps à consulter. Zéro pointé en dialogue social.
Vouloir construire des programmes qui vont influencer les programmations de séquences dans l’ensemble des classes de cycle 1 et 2 pour plusieurs années, ne se fait pas dans un temps aussi court et demande de dialoguer avec les professionnels de terrain, les chercheurs, les représentants des personnels.
Le CSP nie toute spécificité à la maternelle
Le CSP ignore que les enfants scolarisés à l’école maternelle ont avant tout besoin de construire leur posture d’élève, d’instaurer une relation de confiance avec les adultes autres que leurs parents. Aucune prise en compte de l’approche globale de l’enfant ne transparaît dans ces nouveaux programmes.
De plus, le CSP oublie que dans la plupart des pays où les élèves réussissent massivement, les enfants de ces âges jouent, appréhendent le collectif, se sécurisent. L’entrée dans les apprentissages cognitifs est retardé jusqu’à 7 ans, par exemple en Finlande.
Peut-être faudrait-il mieux tenir compte de ce qui se passe ailleurs dans le monde et qui fonctionne.
Des enseignants simples exécutants
Ces programmes présentent à la fois les connaissances et compétences à faire acquérir mais aussi, les objectifs d’apprentissages, les situations de référence, la programmation par période pour chaque année et même l’emploi du temps hebdomadaire pour le français en cycle 2.
Un tout en un qui réduit l’enseignant⋅e à exécuter une méthode imposée, avec un manuel imposé, dans une programmation imposée.
Cet enseignement clé en main qui se veut rassurant ne s’adapte ni aux différentes pédagogies, ni aux différents profils d’élèves. Il efface le savoir faire de l’enseignant⋅e : construire une programmation et des séquences d’apprentissage qui s’adaptent aux besoins de ses élèves, intègrent les progressions dans l’ensemble des disciplines pour faire sens et faciliter les apprentissages transdisciplinaires.
Pas de prise en compte des conditions réelles d’apprentissages
Nous invitons les membres du CSP à venir dans une classe de 30 élèves aux besoins hétérogènes, aux rythmes d’apprentissage différents, avec des élèves en situation de handicap, des niveaux de maîtrise du langage oral aux antipodes. Ils pourront alors objectivement se rendre compte qu‘une partie importante de ces programmes n’est pas réaliste sauf à mettre en échec un grand nombre d’élèves.
Le premier défi quotidien de l’enseignant⋅e dans une classe de 30 élèves sera de trouver 5 minutes dans une journée pour créer une interaction verbale avec cet élève qui ne verbalise pas encore de phrase et ne parle jamais en grand groupe. Mais pour le CSP, voici ce qui exigible d’un élève de 4 ans pour verbaliser sa réponse : « Si Lilou avait cinq kiwis et qu’elle en a mangé deux , pour trouver combien de kiwis, il lui reste, je recule de deux, » ou encore l’utilisation du futur antérieur dans une phrase complexe.
Que dire encore de la cohérence des progressions proposées quand on demande à des élèves de CP de comprendre et d’utiliser les fractions demi et quart tandis que ces notions seront vu un an plus tard pour lire l’heure. Ici encore, pas de transdisciplinarité possible, ni de sens donnés aux apprentissages. Par ailleurs, on envisage donc de demander la même année à des élèves de découper des bandes représentant les dizaines en 10 unités pour la numération et des bandes représentants des nombres entiers en 4, pour obtenir des quarts. Nous vous laissons imaginer le niveau d’abstraction nécessaire chez les élèves pour éviter la confusion.
Si ces projets de programmes ont pour ambition de faire échouer toujours plus d’élèves, alors c’est réussi.