Devant un projet de budget du gouvernement qui réduit les moyens de l'école, le SGEN-CFDT de Versailles écrit aux député.es de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation dont la circonscription se situe dans notre académie.
Lettre ouverte aux députés de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation
Courbevoie, le 29 octobre 2024
Monsieur le député / Madame la députée,
Lors des auditions avec les Organisations Syndicales du 11 septembre 2024, nos représentants ont déjà évoqué l’inquiétude vis-à-vis du projet de budget pour 2025.
La situation actuelle, déjà tendue, est bien résumée par le journaliste Jonathan Dupriez sur Public Sénat le 23 octobre 2024 : « la France est donc l’un des pays de l’UE où les enseignants sont les moins bien rémunérés, tout en effectuant le nombre d’heures de cours annuelles le plus élevé, devant les classes les plus chargées ». La suppression annoncée par le gouvernement de 4000 emplois ne fera que renforcer les difficultés, notamment à l’école primaire, et c’est bien le sens de l’alerte sociale déposée par notre fédération CFDT Éducation Formation Recherche Publiques, dans le cadre d’une intersyndicale large.
Cette situation ne fera que renforcer les difficultés dans l’académie de Versailles, dont vous tirez vos mandats dans vos circonscriptions.
Or notre académie fait partie des moins bien dotées de l’Hexagone vu le nombre d’élèves scolarisés (9,6% des élèves des 1er et 2ª degrés sont scolarisés dans l’académie de Versailles en 2024).
D’après France Info, qui compile les données du ministère, le H/E des collèges de l’académie de Versailles est le plus faible en comparaison avec les autres académies (hors réseaux d’éducation prioritaire). On retrouve la même situation pour les lycées, moins dotés que l’académie de Rennes, Lille, Amiens…
Le H/E (nombre d’heures par élève), montre les moyens investis, il en découle le nombre de divisions que l’on peut ouvrir (donc le nombre d’élèves par classe), mais aussi les dédoublements et autres dispositifs d’aide aux élèves.
Les enveloppes sont déjà terriblement minces, compromettant la mise en œuvre des politiques publiques, à l’instar de la mesure-phare du « choc des savoirs » sur les groupes de français et mathématiques en classe de 6ème et 5ème, qui est peu appliquée faute de dotation suffisante. Il a fallu supprimer des dédoublements, des aides aux examens voire des options comme le Latin/Grec pour financer les groupes de besoins. Comment mettre en œuvre cette réforme en 4e et 3e sans dotations substantielles ?
La CFDT s’oppose aux mesures dites du « choc des savoirs », et n’est donc pas demandeuse de leur mise en application effective. En revanche, nous sommes alarmés de la faiblesse des marges des établissements, réduites plus encore à néant pour tenter d’appliquer lesdites mesures, alarmés par la disparition de dispositifs de remédiation et des projets, alarmés de la lourdeur des effectifs dans les classes de collèges (et de lycées y compris professionnels) de notre académie.
Dans l’enseignement primaire, le bilan n’est guère plus reluisant, les classes françaises comptent plus d’élèves que dans n’importe quel autre pays d’Europe. Malgré des investissements ciblés lors du 1er quinquennat Macron, le manque d’investissement sur le temps plus long est criant.
Prenons une mesure emblématique : les CP à 12 élèves dans les REP+. Par manque d’accompagnement adéquat, il y a déjà dans de nombreuses écoles, 14 voire 17 élèves dans ces classes. Faute de locaux, ce sont parfois deux classes dans une même salle, soit deux collègues en co-intervention pour 25 à 27 élèves, et parfois un seul quand le second est absent et non remplacé ! Le manque de moyens est tellement criant que les effets sont inférieurs à ce qu’on pouvait attendre selon l’inspection générale (article du Monde du 30 mai 2024).
L’argument de la baisse démographique pour réduire les moyens n’est alors pour notre syndicat pas acceptable.
Cette baisse démographique, très mesurée dans le cadre de notre académie, devrait être l’occasion d’investir et de s’aligner sur nos partenaires européens, qui ont par ailleurs de meilleurs résultats à PISA. Elle devrait être l’occasion de consacrer les moyens nécessaires et indispensables pour mener à bien l’inclusion scolaire au sens le plus large. Elle devrait être l’occasion de rendre nos métiers plus attractifs et de pouvoir enfin avoir des enseignant.es devant chaque classe et pourvoir aux remplacements. A titre d’exemple, il faudrait 150 professeurs des écoles de plus dans les « brigades de remplacement » du Val d’Oise pour un fonctionnement satisfaisant. A titre d’exemple, en physique-chimie ou économie-gestion, des dizaines de classes de l’académie n’ont encore aucun professeur nommé depuis la rentrée à cette époque de l’année.
Monsieur/Madame le/la député.e, nos manques de moyens concernent également les fonctions supports, c’est-à-dire les agents administratifs, qui au quotidien, gèrent les dossiers des agents et le pilotage général des moyens et services. Le nombre de dossiers par agent est en hausse constante. Des dires de nos responsables rectoraux eux-mêmes, il manque 100 postes dans les services déconcentrés (rectorat et DSDEN) dans notre académie. Les conséquences sont multiples, tant sur ces agents mis sous pression, pour lesquels prendre des congés peut s’avérer difficile faute de relais dans les dossiers, que sur le service public rendu.
Cette sous-administration crée de la distance entre les agents et leur administration, mais aussi génère un nombre d’erreurs importants, dégradant les conditions de travail de tous et toutes. Sans compter le manque criant de médecins du travail.
En votre qualité de député.e et membre de la commission, le Sgen-CFDT de l’académie de Versailles vous demande d’user de vos mandats et fonctions pour agir et préserver les moyens de l’Ecole, de la maternelle à l’Université, car la recherche et l’enseignement supérieur ne sont pas mieux traités.
Nous portons cette demande à titre général, pour le service public d’éducation de notre pays, sur l’ensemble de ces territoires, mais aussi pour notre académie en particulier.
Dans les 4 départements qui la composent, trop d’établissements connaissent des situations complexes et problématiques. Il y a bien sûr des menaces, rixes et autres tirs de mortiers dans ou aux abords de quelques et trop nombreux établissements, relatés dans les médias et dont vous avez connaissance dans vos circonscriptions. Mais il s’agit d’évènements moins médiatisés ou de dysfonctionnements plus structurels. Dans ce contexte, demander de faire mieux avec moins est tout simplement insensé.
Fidèle à nos valeurs et nos statuts, cette présente lettre est adressée de façon transpartisane mais ne sera pas envoyée aux membres de la commission issus des forces de l’extrême droite, d’où nous combattons les idées mais aussi les méthodes.
Soyez assuré, madame/monsieur le député.e, de notre dévouement au service public d’éducation.
La commission exécutive du Sgen-CFDT de l’académie de Versailles