80 ans de FEI, des valeurs et des engagements à faire vivre

A l'occasion des 80 ans de la fondation de France Education International (ex CIEP), une lettre de la section syndicale CFDT et du collectif Gustave Monod, du nom de son fondateur.

La journée commémorative des 80 ans de FEI s’est tenue le 30 juin à Sèvres.

La lettre adressée à tous les personnels après cette journée :

Chères et chers collègues,

À l’occasion de la commémoration des 80 ans de France Education international le 30 juin 2025, un hommage a été rendu à son fondateur, M. Gustave Monod. L’équipe syndicale de FEI tient à saluer le choix de la direction générale d’avoir mis en avant une figure dont l’engagement, tout au long de sa vie, est une source d’inspiration pour faire face aux défis de notre époque.

Membre du comité de vigilance des intellectuels antifascistes, constitué pour faire front face aux ligues fascistes des années 1930, Gustave Monod est l’un des seuls hauts fonctionnaires à s’opposer au gouvernement de Vichy en 1940 lorsque celui-ci demande aux recteurs de recenser les fonctionnaires juifs exerçants sous leur autorité. Démis de ses fonctions d’inspecteur d’académie et rétrogradé comme professeur de philosophie de lycée, Gustave Monod prend finalement une retraite anticipée pour rejoindre la Résistance.

Le courage et la rectitude morale de Gustave Monod le distinguent particulièrement du reste des hauts fonctionnaires, dont Jean Zay, dans Souvenirs et solitude, regrette « le manque de caractère, la facilité avec laquelle ils ont subi les nouveaux maîtres, assumé sans révolte de conscience toutes les besognes qu’on leur imposait ».

Comme Gustave Monod, nous refusons la résignation face au danger que représente l’extrême droite. C’est pourquoi, le 2 juillet 2024, nous avons collectivement dit « NON ! » à la politique discriminatoire du Rassemblement national, arrivé en tête du premier tour des élections législatives, qui prévoyait notamment d’exclure les binationaux de certains postes de la Fonction publique. Ensemble, nous avons fait bloc autour des valeurs fondatrices de l’établissement, notamment le respect des diversités culturelles et linguistiques, l’inclusion sociale et l’ouverture internationale.

Au lendemain de la Libération, Gustave Monod, directeur de l’enseignement du second degré, ressent la nécessité de mettre en œuvre une refonte radicale de l’école, dans la continuité des réflexions engagées sous le Front populaire. L’éducation ne doit pas seulement servir à créer une petite élite républicaine, elle doit former des citoyens libres et éclairés. À travers l’expérience des classes nouvelles en France, Gustave Monod pose les bases d’une école émancipatrice où l’élève devient acteur de son apprentissage. Afin de faire évoluer les pratiques pédagogiques et de fédérer les enseignants autour d’un projet commun, il crée en 1945 le Centre international d’études pédagogiques, un lieu d’emblée ouvert sur l’étranger et la comparaison des systèmes éducatifs entre eux. Pour Gustave Monod, l’investissement dans l’éducation constitue un levier essentiel pour lutter contre le fascisme et prévenir le retour des conflits et des guerres.

Comme Gustave Monod, nous défendons la vocation émancipatrice de l’éducation et aspirons à un service public de qualité pour toutes et tous. C’est pourquoi nous nous sommes mobilisé-es collectivement le 25 février 2025 pour défendre nos conditions de travail, l’organisation actuelle du temps de travail étant ce qui nous permet d’assurer un service public à la hauteur des enjeux de la coopération et de l’éducation internationales. Avec la même détermination, nous continuerons à nous mobiliser contre la baisse des investissements dans l’éducation, synonyme de hausse des inégalités, et pour une meilleure reconnaissance financière de notre travail et de notre expertise.

En 1960, fidèle à ses principes, Gustave Monod signe avec d’autres intellectuels, artistes et universitaires le Manifeste des 121, titré « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie ». Le manifeste cherche à informer l’opinion française et internationale du mouvement de contestation contre la guerre d’Algérie. Les 121 y critiquent l’attitude équivoque de la France vis-à-vis du mouvement d’indépendance algérien, en appuyant le fait que la « population algérienne opprimée » ne cherche qu’à être reconnue « comme communauté indépendante ». Partant du constat de l’effondrement des empires coloniaux, les signataires mettent en exergue le rôle politique de l’armée dans le conflit, dénonçant notamment le militarisme et la torture, qui va « contre les institutions démocratiques ».

Le manifeste se termine sur ces trois propositions :

  • « Nous respectons et jugeons justifié le refus de prendre les armes contre le peuple algérien. »
  • « Nous respectons et jugeons justifiée la conduite des Français qui estiment de leur devoir d’apporter aide et protection aux Algériens opprimés au nom du peuple français. »
  • « La cause du peuple algérien, qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial, est la cause de tous les hommes libres. »

Comme Gustave Monod, nous refusons de détourner le regard face aux crimes de guerre qui sont commis sous nos yeux, tels que les bombardements indiscriminés, les déplacements forcés de population et la famine imposée aux civils comme méthode de guerre. Comme Gustave Monod, nous condamnons la colonisation, l’occupation et l’annexion de territoires, qui constituent des crimes au regard du droit international. C’est pourquoi nous appelons à participer à toutes les mobilisations, comme celle des syndicats le 14 juin 2025, pour soutenir la Palestine, dénoncer les intentions génocidaires du gouvernement israélien contre le peuple palestinien et le silence complice d’une partie des décideurs, et exiger un cessez-le-feu immédiat, sans condition et permanent à Gaza, ainsi que la reprise immédiate de l’aide humanitaire et l’ouverture des points de passage aux équipes de secours et aux journalistes.

Au-delà de la commémoration des 80 ans de France Éducation international, c’est une certaine idée de l’éducation que nous célébrons à travers la figure de Gustave Monod : une éducation humaniste, émancipatrice et indissociable de l’idéal démocratique. Pour réaffirmer avec puissance ces idéaux dans un monde où la démocratie est particulièrement mise à l’épreuve, l’engagement collectif reste plus que jamais indispensable.

Se syndiquer et s’investir dans le dialogue social, se rassembler en collectif autour de Gustave Monod, créer des groupes d’échange dans chaque département et service, s’informer et débattre, sont autant de moyens de faire bloc pour défendre les valeurs auxquelles nous sommes profondément attaché-es.

Chères et chers collègues, saisissons-nous de ces moyens pour perpétuer l’héritage de Gustave Monod !

Pour échanger et réfléchir ensemble aux actions à mener dans ce sens, retrouvons-nous dès la rentrée, le mardi 2 septembre 2025, à la pause-café de 10h30.

L’équipe syndicale de FEI / Le Collectif Gustave Monod